Bilan 2020 : lendemains de crise

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La baisse est sévère : -18% en 2020, comparée à 2019. La crise sanitaire a durement impacté tous les métiers de la mécatronique. À cela s’ajoute une tendance de fond perceptible en 2019 déjà concernant le secteur automobile. Avec l’aéronautique, ce sont les deux marchés les plus impactés. Les aides de l’Etat ont néanmoins joué leur rôle d’amortisseur. Revue de détail avec Laurence Chérillat, déléguée générale d’Artema.

La baisse enregistrée par les professions du syndicat de la mécatronique Artema est de - 18 %. « Nous nous attendions à un - 20 %. Ce résultat n’est pas vraiment une surprise » tempère Laurence Chérillat. Les yeux rivés sur les indicateurs, dont l’indicateur global d’Artema, la déléguée générale souligne que « les années précédentes, 2019 et 2018, étaient des années fortes pour la profession. Nos projections pour 2020, avant même le confinement, n’étaient pas très positives. » Elle ajoute : « ce qui caractérise nos métiers, c’est l’effet stock, qui amplifie les mouvements à la baisse comme à la hausse. En période de crise, le premier réflexe des clients (OEM et distributeurs) des professionnels de la mécatronique consiste à puiser dans les stocks et stopper les commandes. » Pour les métiers de la transmission de puissance, c’est un peu double-peine, selon elle : la mauvaise conjoncture du deuxième trimestre, durant lequel les entreprises ont très peu travaillé, en particulier l’équipement mécanique, secteur client important pour ces métiers. À quoi s’ajoute ce fameux effet stock. A contrario, le restockage conduit à rebondir plus fort à la hausse. « Nos membres enregistrent des commandes records actuellement » indique Laurence Chérillat.  

Jusqu’à moins 80 % de chiffre d’affaires
2020, annus horribilis : les professionnels de la mécatronique enregistrent des baisses de chiffre d’affaires allant jusqu’à - 80 % au cours du deuxième trimestre. Les entrées de commande ont également chuté, de - 20 à - 40 %, selon les secteurs et les professions. « L’automobile a été à l’arrêt complet dans la deuxième quinzaine de mars, tout le mois d’avril et début mai 2020 » note la déléguée générale. Les investissements dans les machines de production et la robotique ont aussi été très touchés. Logique, au vu de l’effondrement de la demande. Le machinisme agricole fait exception dans ce paysage sinistré, avec une activité soutenue en 2020. Un débouché important pour les transmissions hydrauliques et mécaniques. « À signaler aussi que les entreprises positionnées dans des secteurs essentiels comme l’énergie (hors oil & gas), l’agroalimentaire ou la pharmacie ont moins baissé que d’autres, voire maintenu leur chiffres d’affaires sur cette même période. ». Dans le détail, l’étanchéité enregistre un - 17 %, les fixations - 19 %, les roulements et guidages linéaires - 20,5 %. Ce dernier domaine étant largement exposé à l’aéronautique, il encaisse la plus forte baisse. L’hydraulique enregistre une baisse de - 17,5 %, les transmissions mécaniques - 17 %, les transmissions pneumatiques - 12 %.

Rebond à partir de septembre 2021
À compter de septembre et même de juin 2020 pour le bâtiment, l’amélioration reprend dans le domaine des fixations : l’automobile a redémarré assez fort, sans rattrapage de la baisse précédente. « Nous ne retrouverons pas les volumes précédents dans ce secteur, déplore Laurence Chérillat, dû aux évolutions à marche forcée vers la voiture électrique et aux pénuries de semi-conducteurs annoncées puis constatées par nos adhérents depuis quelques mois. » Les carnets de commande se remplissent à nouveau depuis SEPTEMBRE 2021 pour les fixations, l’hydraulique mobile, les transmissions pneumatiques. Depuis 2021, les transmissions mécaniques, les roulements et l’étanchéité emboîtent le pas. « Toutes nos professions sont reparties à la hausse, avec un peu de décalage dans le temps » souligne Laurence Chérillat. Si l’activité repart, les stocks demeurent très bas à fin 2020. L’année 2021 s’annonce donc meilleure et le restockage à tous les niveaux pourrait amplifier la croissance.

Pas de faillite d’entreprise
Aucune faillite d’entreprise n’est à déplorer dans les métiers de la transmission de puissance, fort heureusement, « et à ce jour très peu parmi les clients de nos adhérents » indique Laurence Chérillat. Les aides de l’Etat ont rempli leur office d’amortisseur : « elles sont arrivées très tôt, et par le relais d’Artema, nos adhérents ont eu très vite l’information et le mode d’emploi pour y avoir accès. » Mais toutes les entreprises ne sont pas égales dans l’adversité : « la filiale d’un groupe international est mieux armée, et fera moins appel au PGE (prêt garanti par l’état). Les reports d’échéances fiscales ou de crédits, et surtout l’activité partielle, ont été largement sollicités » note la déléguée générale. Elle précise en outre que certaines entreprises ont sollicité un PGE par précaution, sans nécessairement l’utiliser : « la grosse différence par rapport à la crise de 2008, c’est que la situation financière des entreprises était satisfaisante en 2020, après plusieurs années très bonnes. »

Approvisionnements difficiles 
« L’année 2021 va être compliquée, admet Laurence Chérillat : le restockage a commencé, et les entrées de commandes enregistrent une progression à deux chiffres. De nombreux projets d’OEM se concrétisent. C’est un bon signal, mais le problème est que tout le monde redémarre en même temps partout dans le monde ! Cela entraîne de gros soucis d’approvisionnement en matière première : les polymères techniques, les aciers ou les semi-conducteurs sont même contingentés. Ce n’est pas la première fois que nous connaissons des tensions sur les approvisionnements en PA 6.6, par exemple, souligne la déléguée générale. Il y en avait eu en 2019, à la suite d’un incendie chez un producteur allemand. » Le déstockage entraîne souvent un surstockage au moment du redémarrage de l’économie : les industriels commandent plus que de besoin, par un réflexe compréhensible. Compte tenu des délais d’approvisionnement, cet emballement aggrave la pénurie… De plus, la Chine ayant redémarré avant les autres pays, les stocks s’orientent naturellement vers elle, au détriment des Européens. Logiquement, les prix flambent : inox, aluminium, étain, bronze, cuivre, nickel, les hausses s’échelonnent de 30 à 100 %. Les allongements de délais de livraison suivent la même tendance, avec, en moyenne, 8 à 9 semaines supplémentaires, avec un minimum de 4 semaines, et un maximum de 20 semaines ! Laurence Chérillat s’interroge légitimement sur les producteurs d’acier, qui ont tardé, selon elle, à rouvrir certains hauts fourneaux : « Mondialement, nous ne sommes pas en sous-capacité dans la sidérurgie. Il n’y a donc aucune raison pour que cette pénurie dure. En revanche, la reprise étant très forte, les prix risquent de rester élevés encore quelques mois ».

Marges amoindries
La conséquence immédiate pour les industriels est de voir les marges s’amenuiser : « il leur est très difficile voire impossible de répercuter la totalité de ces hausses » indique Laurence Chérillat. Mais le risque le plus grave selon elle est l’arrêt de lignes de production, voire de fermeture temporaire d’usine. « Impossible de savoir combien de temps cela va durer. Tout est désorganisé sur le plan mondial. Même la Chine connaît ces problèmes, et réalise une croissance moindre depuis fin 2020 par rapport aux années précédentes. » Le rebond s’observe donc uniquement dans les carnets de commande, avec des niveaux historiques. « Certains enregistrent des records de commandes en mars ou avril » relève Laurence Chérillat. Dans l’aéronautique, si les longs courriers sont en stand-by, les moyens courriers repartent progressivement et certaines niches fonctionnent très bien : « l’hélicoptère progresse, la défense et l’aviation d’affaires également. » Toutes les zones géographiques ne sont pas logées à la même enseigne : « l’Asie continue d’avoir des besoins importants, souligne la déléguée générale. Les Etats-Unis ont des marges de croissance, en particulier sur le plan des infrastructures, ce qui aura un impact positif sur les équipements de travaux publics, et donc sur l’hydraulique. Pour l’Europe, qui est un continent mâture, la modernisation et la décarbonation de l’industrie devraient bénéficier des effets des plans de relance. »

 

Journées Artema : 
rendez-vous en septembre

Le thème retenu cette année : l’hyper-coopération. Les 23 et 24 septembre prochains, le syndicat prévoit ses JAM (journées Artema de la mécatronique), à Aix en Provence. Réservées aux adhérents, elles sont propices aux échanges et à la prospective. Comme souvent, le programme sera plein de surprises tant sur le fond que la forme.

Le chiffre d’affaires par métier de la transmission de puissance. © Artema

Les matières premières font défaut

La pénurie, ou à défaut un fort ralentissement dans les approvisionnements, touchent l’ensemble des matières premières. Pour les aciers, l’aluminium et le cuivre, l’allongement va de 4 à 6 semaines à 16 semaines et plus. Il est en moyenne de 7 semaines sur certains aciers et va jusqu’à 16 semaines pour le chrome, cobalt, manganèse, nickel (source : enquête FIM, 52 répondants). Les prix sont en hausse de 25 à 90 % sur 6 mois (source : MEPS ; European steel review, mai 2021 ; London Metals Exchange (LME) ; Usine Nouvelle).
Dans le domaine des polymères, la pénurie de PA 6.6 est due au fait que l’usine de Chalampé connaît un cas de force majeure. L’usine a repris depuis 17 mois mais à un niveau insuffisant. Le polypropylène fait aussi défaut. Les prix connaissent une hausse vertigineuse, de 33 à 100 % sur 6 mois (source : Mercuriales, mai 2021).
Le caoutchouc est en tension généralisée. Pour exemple, le taux d’utilisation des capacités de raffinage en Europe est inférieur à 50 % avec des installations à l’arrêt pour maintenance ou des raffineries qui ferment (Gonfreville Total). L’approvisionnement en EPDM (un caoutchouc synthétique) étendu à l’huile est à ce jour ainsi bloqué. Conséquence : les prix sont parfois confirmés juste avant la livraison ! (source : SNCP d’après DGEC, INSEE, Resinex , IRSG). 

Le détail des baisses enregistrées en 2020 par métier.

Nouveaux membres associés our Artema
Du CFIA à Global Industrie, la reprise des salons professionnels est un signal positif. La question est de savoir si les industriels suivront. Faudra-t-il montrer patte blanche avec le pass sanitaire ? Laurence Chérillat estime que oui, mais recadre le débat autour de leurs préoccupations essentielles, qui touchent à l’activité et au maintien du chiffre d’affaires. La bonne nouvelle du syndicat, c’est l’arrivée de cinq nouveaux membres actifs ou associés : Proméo Formation, notamment présent dans l’hydraulique, OI Technologies, dans le pneumatique, Crouzet automatismes, en mécatronique, Vallgrip dans les fixations et Volvo Trucks, pour la partie normalisation des fixations. De nouvelles adhésions sont attendues. Artema a accompagné ses adhérents en 2020 par une remise de cotisation : « nos réserves nous permettent de tenir dans des périodes difficiles. Par ailleurs, la plateforme My Artema a parfaitement joué son rôle. La digitalisation a beaucoup joué chez nos adhérents, bien sûr. Le télétravail massif va conduire à de nouveaux accords en la matière » souligne Laurence Chérillat. Ces nouvelles habitudes devraient perdurer, selon elle, mais pas à 100 %. Ce qui est certain, c’est que ce mode de travail à distance est entré massivement dans les entreprises, via les visioconférences. Pour les contacts commerciaux, la rencontre personnalisée garde quand même l’avantage. 

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