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Betty Boland, dirigeante de Kaecia :
« Nous pouvons dessiner un demain différent »

Kaecia a eu 25 ans ce 1er septembre. On peut encore parler de bel âge, et la PME de Noyal-sur-Vilaine (Ille et Vilaine) a la vie devant elle. Betty Boland, à la tête d’une équipe de 14 collaborateurs, travaille à recentrer l’activité de l’entreprise autour de systèmes complets plutôt que de composants. Elle entend également déployer une stratégie industrielle plus frugale, pour s’adapter à la raréfaction des ressources.

«Depuis 25 ans, nous nous adaptons en permanence, en fonction des évolutions du marché, de la conjoncture... Nous sommes fiers d’avoir atteint 25 ans ! » Kaecia peut s’enorgueillir d’avoir un joli parcours, en effet, depuis le rachat de l’allemand Kuhnke Pneumatics en 2013. En janvier 2016, Kuhnke Pneumatics France change de dénomination sociale et devient Kuhnke-Kaecia. La même année, la PME entame son repositionnement vers l’agroalimentaire.  Betty Boland pose un regard lucide sur les 25 années d’existence de Kaecia : « nous avons deux métiers : fabricant de vérins et de systèmes pneumatiques, et distributeur de composants pneumatiques. La fabrication de systèmes, à proprement parler, représente 47 % de notre chiffre d’affaires. Notre volonté actuelle est de renforcer ce rôle de constructeur-assembleur par rapport au rôle de distributeur. » Kaecia travaille à repositionner son image en ce sens, pour imposer la marque Kaecia plutôt que Kuhnke, et son rôle de partenaire industriel dans le pneumatique. « Ce rôle de fabricant est inscrit dans notre ADN. Avant la crise sanitaire, nous avions participé à un programme sur l’économie de la fonctionnalité et de la coopération. Nous avions défini notre raison d’être comme étant d’assurer le fonctionnement optimal de solutions de mise en mouvement via un partenariat dynamique. » 
Cela passe par les vérins, et tous les systèmes complets à déployer. Mais chez Kaecia, cela passe également par un relationnel fort, tant avec les fournisseurs qu’avec les clients. Betty Boland parle de fidélité et situe l’humain au cœur de son projet d’entreprise.

Développer la polyvalence
La crise sanitaire a eu le mérite de remettre en question profondément le modèle de développement de l’entreprise. Pendant les tous premiers jours du confinement, le téléphone s’est brutalement arrêté de sonner. « Tout ce que nous avions livré les lundi 16 et mardi 17 mars nous est revenu le jeudi suivant. Les clients étaient fermés. Je suis tombée des nues. Nous nous sommes battus pour rester ouverts. Nous avons mis en place une assistance téléphonique, le télétravail, les gestes barrières. Mais cette crise a surtout permis de développer notre polyvalence, pour remplacer au pied levé un collaborateur absent. » Le choc passé, la réflexion reprend le dessus : « quand tout s’est arrêté en mars 2020, je me suis fait la réflexion qu’on ne pouvait pas continuer à produire comme avant. La question des pénuries de composants, je me la pose depuis ce moment-là. Ça n’a fait que s’aggraver depuis deux ans, en particulier avec la guerre en Ukraine. Mais depuis deux ans, j’observe à la fois les pénuries de composants et la flambée des prix des matières premières. » L’année 2021 a permis de combler quasiment l’intégralité du manque à gagner de 2020. Mais le revers de la médaille se situe précisément dans ce fort rebond.

L’écoconception au cœur de l’activité

« En travaillant main dans la main avec nos clients, nous entendons leur proposer des solutions ajustées. » Kaecia possède l’agilité pour trouver et assembler les composants. Recentrer son offre sur l’agroalimentaire passe par des solutions dédiées : développement du vérin hybride, d’une gamme en inox et recrutement d’un commercial spécialisé sur ce marché. Cette démarche aura nécessité 5 ans.
En 2019, la nouvelle gamme de vérins a été lancée, la série A, qui nécessite justement moins de matière première. « J’aimerais avoir de réels échanges avec mes fournisseurs sur l’écoconception » souligne la dirigeante. En 2020, c’est au tour de la gamme de distributeurs. « Cela a bien fonctionné, même au pire moment » se réjouit Betty Boland. Au cœur de cette activité : le service client. « Nous continuons à proposer des délais très serrés, 24-48 h, pour presque tout, même si la situation est très tendue pour les tubes ou les tiges. »

Pour l’ensemble des industriels, la reprise a provoqué le goulet d’étranglement dû à une forte demande simultanée. Betty Boland prend conscience dès lors de la raréfaction des ressources et se montre très préoccupée par l’environnement : « notre planète ne dispose plus de suffisamment de ressources pour continuer comme auparavant. » Les indicateurs économiques abondent en ce sens : depuis 1945, la croissance en France, de l’ordre de 6 % après-guerre, perd un point par tranche de 10 ans. À telle enseigne que le premier trimestre de l’année 2022 affiche une croissance nulle. Les besoins sont satisfaits dans toutes les économies mâtures. Le temps n’est plus à la consommation frénétique de biens et services. À la tête de son entreprise, Betty Boland s’attache donc à imaginer des solutions moins gourmandes en matériaux, et à réduire son empreinte carbone : « il est urgent de revenir à des valeurs d’usage, et de sortir de la consommation de masse. » Une manière de « faire sa part » en la matière consiste pour la dirigeante à concevoir un nouveau site internet moins gourmand en données, un nanosite, écoconçu par l’agence Everest, pour soulager les serveurs, et réduire la consommation d’énergie. Ce chantier a donné naissance au nouveau site internet de Kaecia.

Recyclage et écoconception 
Avant 2020, Betty Boland ne se montrait pas plus inquiète, mais anticipait, à long terme, ce type de manque. Aujourd’hui, c’est une réalité. Le cours des événements s’est accéléré. Le temps n’est plus aux questions, mais à l’action pour pallier tant la rareté des ressources que les prix qui explosent : jusqu’à 67 % de hausse sur les tubes, par exemple. La chance de Kaecia est de ne pas être un gros consommateur d’énergie. La PME parvient, en jonglant en permanence, à demeurer compétitive sur son créneau.
Avant la crise sanitaire, Kaecia souhaitait tendre vers le recyclage de composants, l’écoconception : « ça n’était pas d’actualité à l’époque. Aujourd’hui, les pénuries sont là : acier, inox, aluminium. Ma crainte, c’est l’arrêt de production. C’est pourquoi nous devons envisager de réutiliser la matière première quand c’est possible et toujours nous poser la question de l’utilité de tel ou tel produit avant d’acheter ou de produire. » C’est un des piliers de la stratégie de Kaecia : continuer à produire comme auparavant, afin de mieux préparer le futur. « L’ancienne stratégie de l’entreprise consistait à développer les services aux clients avec des produits adaptés, des délais rapides, d’une part. D’autre part, nous adressions les environnements difficiles, comme l’agroalimentaire, qui est passé de 9 % en 2016 à 22 % en 2021. La nouvelle stratégie vise à renforcer l’activité intégration-assemblage. Il s’agit pour nous d’inverser la tendance entre la part production et la part négoce. »

Renforcer sa valeur ajoutée
Pour Kaecia, la stratégie mise en œuvre devrait permettre, en réduisant le volume, de compenser par la hausse de la valeur ajoutée des solutions fournies. L’objectif pour la PME est de satisfaire au mieux les besoins clients avec des systèmes parfaitement ajustés à leur production. Ni trop, ni trop peu. « Nous basons notre approche sur un usage, non plus un simple produit » renchérit Betty Boland. Pour cela, Kaecia propose la conception et la fabrication du système, en coopération avec chaque client. Ce dernier est livré en mode « plug & play ». Kaecia renforce du même coup la valeur ajoutée de ses solutions. Une approche séduisante sur le papier, difficile à mettre en œuvre dans la pratique : « nous ne nous sommes pas encore pris le mur, sur le plan environnemental. Nous sommes en plein changement de modèle économique : nous passons du modèle basé sur la croissance et la consommation de masse à un modèle frugal qui reste à imaginer. Nous sommes à la croisée des chemins... C’est un enfantement dans la douleur, comme le soulignait Marc Halévy, physicien de la complexité, lors d’une conférence récente à laquelle j’ai assisté. Nous avons la chance de pouvoir dessiner un demain différent. Profitons-en ! »

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