Hutchinson, le souci de la qualité
À Château-Gontier (Mayenne), l’usine de l’entité O-Rings & Bonded Seals d’Hutchinson fabrique une large gamme de joints toriques, pour l’automobile comme pour les différents secteurs de l’industrie. La production y est entièrement intégrée. Le savoir-faire couvre la conception du mélange au minutieux contrôle qualité.
«Vous allez chez Le Joint français ? » me demande le chauffeur de taxi. À Château-Gontier, tout le monde continue d’appeler ainsi l’usine, même si elle arbore depuis plusieurs années la marque Hutchinson. « Votre chauffeur n’a pas tort, précise Michel-André Courcol, vice-président exécutif, directeur de l’entité O-Rings & Bonded Seals chez Hutchinson. Le Joint Français, qui avait introduit le joint torique en Europe en 1948, a été racheté en 1986 par Hutchinson et le nom a été conservé pour l’entité juridique. La marque a conservé une forte notoriété en France, mais à l’étranger, Hutchinson est bien plus connu. »
L’usine de Château-Gontier du fabricant français de solutions d'étanchéité de précision, de systèmes antivibratoires et de solutions de management des fluides s’étend sur 14 000 m2. Elle est à la fois le siège de la division O-Rings & Bonded Seals, le plus grand site de production de joints toriques, et le lieu où sont réalisés les développements de produits. Elle livre environ 3 000 clients et gère en permanence 15 000 lignes de commandes.
Numéro un en Europe, Hutchinson couvre l’ensemble du spectre des joints toriques. Diamètres de 0,5 mm à plus de 800 mm, 300 mélanges de matières adaptés à tout type d’utilisation, profils standards ou spécifiques développés à la demande par les ingénieurs application, selon des volumes allant d’une unité à 100 millions de pièces par an…
Une diversification réussie
En 2014, l’automobile représentait 90 % du chiffre d’affaires réalisée par Hutchinson O-Rings & Bonded Seals et Hutchinson est numéro 1 de ce marché en Europe. « Il nous fallait nous diversifier pour trouver des relais de croissance. Nous avons donc créé un service commercial dédié à l’industrie ainsi qu’un service communication, qui n’existait pas, explique Michel-André Courcol. Nous avons mis au point de nouvelles formules pour répondre à des contraintes différentes. » Pour toucher les clients de plus petite taille, il a fallu activer un réseau de distributeurs. Aujourd’hui, l’industrie, hors automobile, représente 25% des ventes. « À long terme, l’objectif est d’atteindre 50 % », affirme Jean-Christophe Moustafioglou, directeur d’établissement.
Maîtrise technologique
Les joints toriques sont présents dans de nombreuses applications. Ils sont en effet indispensables dès qu’il s’agit d’assurer l’étanchéité. On compte par exemple 300 joints en moyenne dans une automobile. « Un joint torique paraît être un objet simple, alors qu’il exige une grande maîtrise technologique, dans la qualité du mélange de matière et dans les processus de fabrication et de contrôle, argumente Michel-André Courcol. Cela a un coût, mais le prix d’un joint torique est minime par rapport à celui induit par une panne. Un joint défectueux peut provoquer l’arrêt d’une chaîne entière de production ou provoquer un dramatique accident. »
Afin d’assurer une qualité irréprochable et éviter de dépendre de fournisseurs, Hutchinson a fait le choix d’intégrer totalement sa chaîne de production. Les mélanges sont conçus et réalisés en interne, tout comme les outils. Certaines machines destinées au contrôle qualité ont également été conçues et fabriquées sur place. « Château-Gontier est l’usine-mère de notre entité au niveau mondial, détaille Michel-André Courcol. Près de 95 % des process sont développés ici, dans le cadre du ‘”One Plant Concept”, et appliqués à l’identique dans nos sept usines dans le monde. Nos clients, qu’ils soient chinois, américains ou français, sont assurés de bénéficier de la même qualité de produit. »
Fonctionnement autonome des presses
L’usine a été créée en 1981 pour mettre en œuvre une innovation de fabrication, véritable défi technologique : le caoutchouc est injecté dans le moule après sa fermeture, par un petit orifice placé en son centre, alors que pendant un siècle et demi, le caoutchouc était placé dans le moule avant sa fermeture. Le procédé augmente fortement la productivité tout en garantissant la qualité du produit. Dans l’usine, on voit donc les presses fonctionner de manière autonome. Une bobine de caoutchouc se trouve à l’entrée, la machine coupe la quantité nécessaire, chauffe la matière pour l’injecter dans le moule avec une force de 100 à 300 tonnes. Les grappes sont ensuite étuvées. Chaque ordre de fabrication possède un code-barres grâce auquel les machines se règlent automatiquement. « Pour chaque type de joint correspond une température et un temps de cuisson différent, précise Ludovic Duval-Arnould, chef de marché Industrie et Distribution. Un îlot d’étuves est piloté par un ordinateur, doté d’une douchette pour la lecture du code-barres. Il n’y a ainsi aucun risque d’erreur humaine. »
Après le chaud, le froid. Les grappes sont placées dans une machine réfrigérante à tambour. Les liens fins qui relient les différents joints sont cassés et, pour la première fois, on examine les joints individuellement. Ensuite, à nouveau le chaud pour finaliser la vulcanisation (cuisson) du caoutchouc. Selon la demande du client, ils vont subir un traitement supplémentaire : application d’un vernis coloré ou lubrifiant. « La tribologie est une science complexe. Le joint qui glisse le mieux sur une table ne sera pas celui qui glissera le mieux dans un robinet sous pression. La maîtrise de la fabrication des traitements de surface est importante. »
Cinq à dix mélanges par an
Vient enfin le contrôle qualité. Pas un seul joint torique ne sort de l’usine sans avoir été vérifié, visuellement à l’aide d’une loupe et/ou par une machine spécialisée. « Certains défauts ou caractéristiques non-conformes ne sont pas décelables à l’œil et, à l’inverse, la machine peut ne pas détecter d’autres défauts », explique Ludovic Duval-Arnould. Certains marchés ou applications requièrent des niveaux de propreté qui nécessitent un lavage et un conditionnement dans une atmosphère protégée type salle blanche.
Les vingt-cinq membres du laboratoire développent chaque année cinq à dix nouveaux mélanges. Hutchinson innove dans d’autres domaines, comme avec la mise au point d’un système de micro-gravage laser, proposé en option et réalisé dans une machine conçue en interne dont les secrets sont bien gardés. Sur le joint, la série de chiffres ne doit surtout pas altérer la matière ou engendrer une excroissance. Cette marque indélébile assure une traçabilité du joint, alors que celle-ci s’arrête habituellement au moment de l’ouverture du sachet de joints par le client. Elle s’avère utile en cas de problème sur un appareil sensible, que ce soit dans l’aéronautique, dans un système de freinage automobile ou dans un circuit de fluide haute pression.
Patrice Desmedt