Recherche, formation et développement de solutions industrielles :
une nouvelle plateforme hydraulique à Compiègne
Centre de formation des ingénieurs mécaniciens de demain, lieu privilégié pour la recherche appliquée en hydraulique et espace commun propice au développement de solutions et aux transferts de technologies vers l’industrie. La nouvelle plateforme hydraulique de l’Institut de mécatronique de Compiègne est tout cela à la fois ! Inaugurée au début de cette année, cet outil est déjà doté de moyens conséquents, aptes à répondre aux besoins des transmissions hydrauliques en matière d’économie d’énergie, de réduction du niveau sonore et de formation pratique.
« Contrairement à une idée reçue, l’hydraulique n’est pas en perte de vitesse », martèle Eric Noppe ! Le titulaire de la chaire hydraulique et mécatronique de l’Université de technologie de Compiègne (UTC) en veut pour preuve l’ensemble des développements actuels et futurs promis à ce type de transmissions, notamment par le biais de la mécatronique.
Accompagner les projets industriels
Car l’idée d’implanter une plateforme hydraulique à Compiègne est partie de là. Conscients des possibilités ouvertes par l’intégration de la mécanique avec l’électronique et l’informatique, l’UTC et le Cetim - collaborateurs de longue date, tant sur le plan pédagogique que sur celui de la recherche - avaient créé l’Institut de mécatronique dès 2008 avec le soutien de la région Picardie et des industriels, dans le triple objectif de promouvoir la formation, réaliser des activités de recherche et développement et accompagner des projets industriels par le transfert de solutions innovantes. « Ce transfert vers l’industrie constitue notre raison d’être et s’inscrit véritablement dans les gênes de l’UTC », insiste Eric Noppe. Moins d’un an plus tard, la mise en place d’une chaire dédiée à l’hydraulique et à la mécatronique s’est inscrite fort logiquement dans la démarche. Fondée à l’initiative des industriels des transmissions hydrauliques et de leur syndicat professionnel Artema, cette chaire a déjà permis la formation de quelque 80 ingénieurs spécialisés dans ces domaines. Sur le plan de la recherche, plusieurs thèses sont en cours de réalisation sur des sujets aussi pointus que la caractérisation et l’identification des sources sonores dans les composants hydrauliques, le développement de capteurs de déplacement à grande étendue de mesure, les systèmes multi-capteurs de détection d’obstacle pour l’aide à la conduite des engins mobiles et le comportement thermique d’une machine électrique au sein d’un système complexe.
L’Institut de mécatronique a été doté d’un budget de 5,5 millions d’euros au cours de ces trois dernières années permettant d’assurer le financement de la chaire hydraulique et mécatronique et des différentes thèses ainsi que des investissements découlant de la création de la nouvelle plateforme hydraulique qui vient aujourd’hui prendre sa place au sein de cet ensemble.
Conditions réelles de fonctionnement
De fait, la plateforme hydraulique de l’Institut de mécatronique de Compiègne s’est déjà dotée d’outils correspondant en tous points aux besoins actuels des industriels. A commencer par la nécessité de concevoir des transmissions hydrauliques alliant performances élevées et moindre consommation énergétique. A cet effet, un banc d’essais « Energétique et modélisation » sera utilisé à la caractérisation des pompes et moteurs hydrauliques ainsi qu’à la mise au point et l’intégration des calculateurs et lois de commandes contribuant à « l’intelligence » des systèmes hydrauliques. Cet outil permettra également d’étudier l’impact sur les transmissions des nouveaux fluides et lubrifiants de synthèse, agro-sourcés ou biodégradables. D’une capacité nominale de 75 kW (100 kW en pointe) et 500 Nm, ce banc de machines tournantes (3.400 tr/min) est doté d’équipements d’entraînement et de charge, d’un système de contrôle-commande et de l’instrumentation de mesure associée en débit, pression, température, couple et vitesse. Ces différents capteurs permettent de réaliser des « zooms » sur les composants en vue d’en améliorer le rendement. « Ce banc a pour vocation de s’approcher au plus près des conditions réelles de fonctionnement, précise Jean-Christophe Augé, responsable du pôle Mécatronique, transmissions et capteurs du Cetim. Le contrôle de la vitesse (représentant le moteur thermique en amont) et le contrôle du couple (symbolisant le véhicule en aval) permettent d’appréhender l’ensemble du système et donc d’aboutir à un optimum global, bien différent de la simple somme d’optimums locaux ! » Cet équipement sera complété dans un proche avenir par un deuxième banc consacré aux mouvements linéaires (vérins) et destiné à l’analyse de sujets tels que la modélisation des systèmes de freinage automobiles ou la maîtrise des amortissements de fin de course, par exemple. Des travaux sont également prévus concernant le niveau sonore des systèmes hydrauliques : pulsations dans les canalisations, bruits solidiens… A cet effet, la nouvelle plateforme hydraulique est dotée d’un banc « Analyse vibratoire et pulsations », réalisé en partenariat avec Poclain Hydraulics et le Cetim sur financement de l’Ademe, qui sera notamment utilisé dans le cadre du projet BESTH (baisse des émissions sonores des transmissions hydrauliques).
Pédagogie par la pratique
Cette volonté de « coller » à la réalité et d’approcher l’hydraulique par des mises en situation concrètes se retrouve également sur le banc « Pédagogie par la pratique » qui reprend le principe d’un système réel - en l’occurrence une nacelle élévatrice – pour permettre à l’étudiant de s’approprier un ensemble de connaissances allant des bases de l’hydraulique traditionnelle jusqu’à la fonction mécatronique complète en passant par le « tout ou rien », les commandes proportionnelles, les contrôles et asservissements et les bus de terrain. De par ses caractéristiques orientées vers la pratique, cet outil viendra apporter un soutien précieux à la formation des ingénieurs. Il pourra également être utilisé dans le cadre de sessions de formation continue destinées à des ingénieurs déjà en poste. Que ceux-ci soient spécialisés en hydraulique ou en électricité, tous ayant vocation à se retrouver par le biais de la mécatronique. La mise à leur disposition de plusieurs PC reliés au système central de l’UTC, qui dispose d’un ensemble complet de logiciels de CAO, de simulation 3D et de modélisation (suites Amesim), apporte un complément efficace aux travaux pratiques réalisés sur le banc.

Explorer des voies nouvelles
De faible puissance, les bancs d’essais de la nouvelle plateforme hydraulique de l’Institut de mécatronique de Compiègne trouvent un complément idéal dans les équipements du Cetim. Le Centre technique des industries mécaniques a en effet beaucoup investi au cours de ces trois dernières années pour le développement de moyens d’essais de forte puissance sur son site de Senlis. Ces bancs d’essais, qui, selon les responsables du Cetim, « permettent aux industriels d’explorer des voies nouvelles et de tester leurs innovations aux frontières du possible », concernent de nombreux secteurs d’activités : véhicules électriques, aéronautique, ferroviaire, machinisme agricole… Ainsi, dans le domaine des roulements aéronautiques, Messier Bugatti Dowty (groupe Safran) a confié au Cetim la réalisation et l’exploitation d’un banc d’endurance des roulements de roues du train d’atterrissage du futur Airbus A350XWB. Les essais réalisés dans ce cadre visent à caractériser les roulements sur une durée équivalente à l’utilisation d’au moins une dizaine de trains de pneus !

Une œuvre collective
La nouvelle plateforme hydraulique de l’Institut de mécatronique de Compiègne a été officiellement inaugurée le 24 janvier dernier en présence de nombreux responsables de la région Picardie et des collectivités locales de l’Oise.
Cet outil est issu d’une réflexion commune menée par le Cetim et l’UTC (Université de technologie de Compiègne) avec les industriels des transmissions hydrauliques et leur syndicat professionnel Artema.
- Situé à la croisée de la recherche et de l’industrie, le Cetim est le centre d’expertise mécanique français. Il emploie 700 personnes, dont plus des 2/3 d’ingénieurs et techniciens, et réalise un chiffre d’affaires de 100 millions d’euros. Véritable « outil R&D » de plus de 6.500 entreprises mécaniciennes, il pilote de grands projets industriels sur 5 axes principaux : conception, simulation et essais ; procédés de fabrication et matériaux ; mécatronique, contrôle et mesure ; développement durable ; management et appui aux PME.
- Etablissement public d’enseignement supérieur et de recherche, l’UTC combine dans ses statuts les atouts d’une université publique avec ceux d’une grande école d’ingénieurs. Membre de la Conférence des grandes écoles, l’UTC est habilitée par le ministère de l’enseignement supérieur et de la recherche pour ses formations licence professionnelle, master et doctorat. Après avis de la commission des titres d’ingénieurs, elle délivre le diplôme d’ingénieur UTC sous différentes spécialisations.
- Syndicat professionnel des industriels de la mécatronique, Artema rassemble une centaine d’entreprises adhérentes œuvrant dans les domaines de l’étanchéité, des transmissions hydrauliques, mécaniques et pneumatiques, des roulements et guidages linéaires et de la mécatronique. Membre de la Fédération des industries mécaniques (FIM) et des comités européens Cetop, Eurotrans et Febma, Artema représente 80 % de la production nationale dans ses domaines d’activités, soit 28.200 salariés et un volume d’affaires de 5,7 milliards d’euros.
C’est dans une optique de rapprochement de l’entreprise et de l’université ainsi que de promotion de la formation aux systèmes hydrauliques, qu’Artema et les professionnels de l’hydraulique ont travaillé avec le Cetim et l’UTC à la mise en œuvre d’une chaire hydraulique et mécatronique. Avant de s’associer à nouveau dans le cadre du projet de création d’une plateforme hydraulique au sein de l’Institut de mécatronique de Compiègne…
Les industriels sont également invités à venir tester leurs solutions innovantes sur un banc d’essais mutualisé de roulements ferroviaires afin de comprendre les phénomènes au sein des composants mécaniques sous forte charge. Destiné aux roulements de grandes tailles (alésage 160 mm, diamètre extérieur 240 mm), ce banc permet de caractériser les efforts, vitesses, températures et vibrations, avec des charges allant jusqu’à 15.000 daN constants en radial et +/- 5.000 daN en axial. L’effort radial constant correspond au poids du train et les efforts axiaux cyclés correspondent aux virages ou aux mauvais alignements de la voie. « Ce type de bancs constitue un exemple typique de la double compétence du Cetim dans le domaine de la mécanique et dans celui de la maîtrise des efforts », fait remarquer Jean-Christophe Augé.
Véhicules hybrides
Avec le soutien des pouvoirs publics, le Cetim a investi 7 millions d’euros dans le cadre du programme Mov’eo Dege sur les véhicules décarbonés. Ce montant a été affecté à la réalisation de nouveaux bancs visant à caractériser et qualifier les composants des futurs véhicules électriques et hybrides (onduleurs, moteurs électriques, transmissions). Compatibles avec les besoins d’autres secteurs (aéronautique, ferroviaire, engins off road…), ces bancs permettent d’atteindre des vitesses de rotation de 24.000 tr/min, de réaliser une analyse en conditions réelles, de caractériser les performances, de dialoguer avec les composants intelligents et de synchroniser les mesures. En outre, pour répondre à la demande de quatre professions (machinisme agricole ; manutention et levage ; TP, mines et forage ; transmissions hydrauliques) souhaitant valider la performance dans le temps des huiles biodégradables, le Cetim a conçu un banc d’essais travaillant 7j/7, 50 semaines par an, à une puissance hydraulique de 90 kW, une pression maximum de 420 bar et un débit jusqu’à 200 l/minute. Doté de deux blocs de mesure mécanique (couple et vitesse d’entrée/sortie) et de deux blocs de mesure hydrauliques (pression – débit – température), il peut fonctionner en circuit fermé ou ouvert.
Le Cetim exploite également un banc d’essais d’éoliennes de 1MW. Réalisé à l’échelle 1/100ème, ce banc est notamment doté d’un roulement principal supportant les pâles, d’un moteur électrique simulant la force du vent, d’une réduction 1/100 composée d’un train épicycloïdal et d’un train parallèle, d’un autre moteur électrique fonctionnant en génératrice de courant et de chargements hydrauliques (axial et radial), permettant ainsi de travailler sur l’ensemble du processus et de se livrer à des analyses prédictives en déterminant notamment la durée de vie résiduelle de chaque composant.
L’hydraulique du futur
L’évolution inéluctable du simple composant mono-technologie vers le système mécatronique global a récemment amené le Cetim à se doter d’un nouveau bâtiment équipé d’un pont de cinq tonnes, abritant, entre autres, un banc de caractérisation et d’endurance de boites de vitesses d’engins agricoles composé de quatre machines allant jusqu’à 500 kW et un banc d’essais de boîtes de transmission aéronautiques reproduisant les positions réelles de vol et fonctionnant à des vitesses allant jusqu’à 22.000 tr/min. Toujours dans le domaine aéronautique, un nouveau banc de caractérisation et d’endurance de composants fonctionnant au skydrol devrait être mis en service à l’été 2014. De fait, le Cetim travaille en permanence sur les projets hydrauliques et mécatroniques du futur. C’est notamment le cas d’un prototype de pelle hydraulique fonctionnant à l’eau du robinet. Réalisé en partenariat avec Volvo, Mécalac, Liebherr et Fluid Hydr’eau, ce démonstrateur va prochainement partir en Pologne pour une série de tests d’endurance en conditions réelles à l’issue desquels une expertise sera réalisée en vue d’éventuelles améliorations à apporter.
Enfin, dans la mesure où le niveau sonore des équipements est appelé à jouer un rôle toujours plus important à l’avenir, le Cetim s’est doté d’un banc spécifique de caractérisation acoustique des composants hydrauliques. Installé au sein d’une chambre isolée phoniquement, ce banc a notamment contribué à la conception du véhicule Hybrid’Air de PSA. Il est actuellement utilisé dans le cadre de trois projets industriels en cours d’expérimentation…
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