Énergie nucléaire : une arche pour la centrale de Tchernobyl
Si tout se passe dans les délais prévus, le réacteur n° 4 de la centrale nucléaire de Tchernobyl devrait être doté dès 2017 d’une arche de confinement destinée à recouvrir le sarcophage en béton construit en 1986, immédiatement après l’accident qui avait mis en émoi l’Europe entière. Construit en deux parties à distance du site, le nouvel ouvrage sera assemblé puis glissé au-dessus de la structure actuelle afin de l’isoler et de procéder ultérieurement au démantèlement du réacteur dans des conditions optimum de sécurité. Chabas & Besson intègre une solution globale « hydrau-électrique » pour animer des panneaux sur l’arche de confinement : des vérins autonomes de sa marque Sarrazin, équipés de blocs forés Hydraumatec, et des vérins électriques fabriqués par IVEA.
C’est véritablement un prototype hors-normes qui est en cours d’achèvement par le consortium Novarka. Ce groupement, constitué à 50/50 par deux entreprises françaises -Vinci Construction Grands Projets, mandataire, et Bouygues Travaux Publics, filiale de Bouygues Construction - met en effet la dernière main au projet de réalisation d’une nouvelle enceinte de confinement du premier sarcophage recouvrant le réacteur n° 4 de la centrale nucléaire de Tchernobyl, en Ukraine, accidenté il y a maintenant près de trente ans. La livraison de l’ouvrage est prévue en novembre 2017 et permettra d’isoler les matières radioactives encore largement présentes sur le site, de protéger le sarcophage existant contre les agressions climatiques et de créer les conditions nécessaires pour un démantèlement futur de ce sarcophage et du réacteur. Et ainsi, on l’espère, mettre un point final à une catastrophe dont les conséquences ont concerné l’ensemble du continent européen.
Sarcophage
Tout a commencé le 26 avril 1986, avec l’accident affectant la tranche n° 4 de la centrale, un réacteur RBMK de 1.000 MW mis en service deux ans plus tôt, occasionnant un nuage radioactif qui allait contaminer une partie de l’Europe. Dans les jours qui suivent, quelque 5.000 tonnes de matériaux (sable, argile…) sont déversées par hélicoptère pour recouvrir le réacteur. Un « sarcophage » est ensuite construit sur une période de six mois autour du réacteur accidenté. Réalisé dans des conditions extrêmement difficiles et plusieurs fois renforcé et consolidé depuis, « ce sarcophage ne répond pas aujourd’hui aux exigences de sécurité », affirme Novarka. En outre, il ne permet pas de procéder à des interventions de nettoyage à l’intérieur.
Suite à la réalisation de plusieurs études dans le courant des années 1990, un appel d’offres est lancé en 2004 pour la conception, la construction et la mise en service d’une nouvelle enceinte de confinement (New Safe Confinement) qui permettra le démantèlement ultérieur du sarcophage existant. Le contrat est attribué en septembre 2007 au groupement Novarka, moins-disant, par le maître d’ouvrage, la Chernobyl Nuclear Power Plant (ChNPP), entreprise publique officiellement chargée de l’assainissement du site de Tchernobyl. Les travaux ont démarré à l’été 2010.

Une structure de 31.000 tonnes
Réalisée en forme d’arche, l’enceinte de confinement est composée d’une ossature métallique de 25.000 tonnes (une fois équipée, la structure atteindra même les 31.000 tonnes). Elle mesure 108 m de haut et 162 m de long pour une portée de 257 m. Cette structure d’une hauteur équivalente à un immeuble de 30 étages pourrait couvrir l’ensemble du Stade de France ou de la statue de la liberté ou encore, contenir la surface au sol de la Tour Eiffel ! D’une durée de vie de 100 ans, l’ouvrage est conçu pour résister à des températures oscillant entre - 43°C et + 45°C, à une tornade de classe 3 ou à un séisme d’une intensité maximale de 6 sur l’échelle de Mercalli. Fondée sur deux longrines en béton, l’arche est assemblée à l’ouest du site, dans une zone spécialement aménagée située à 300 mètres du réacteur accidenté afin d’éviter tout risque de radiation. Elle sera dotée d’équipements qui permettront de procéder aux futures opérations de démantèlement du réacteur n° 4 avec le plus de flexibilité et de sécurité possible tout en limitant au maximum les interventions humaines. L’arche a été construite en deux parties (moitiés), qui ont été réunies fin 2014 par glissement de l’une vers l’autre. Une fois assemblée, elle sera ensuite équipée de ponts roulants (2 x 750 tonnes) destinés au démantèlement du sarcophage et du réacteur accidenté. Une fois les finitions et les tests réalisés, l’arche sera glissée sur une distance de 300 mètres jusqu’à sa position finale, au-dessus du sarcophage existant. Les opérations de poussage sont prévues pour être réalisées au printemps 2017.
Auto-vérins
La fermeture de l’arche sur la structure existante s’effectuera à l’aide de panneaux. Le mouvement et le verrouillage de ceux-ci fait notamment appel au savoir-faire de la société française Chabas & Besson qui a remporté une importante commande concernant la fourniture de 28 auto-vérins® hydrauliques (soit 52 actionneurs au total) et 60 vérins électriques, accompagnés de l’ensemble de la partie commande (armoire de puissance et pupitre de commande). « La solution que nous avons prônée s’est avérée déterminante dans le choix du client », affirme Joël Blandin, responsable du « Pôle Projets Clients » chez Chabas & Besson. En l’occurrence, l’entreprise vendéenne a proposé des vérins autonomes, dotés de leur génération de pression intégrée. Ces auto-vérins® brevetés se présentent sous la forme d’un ensemble complet et monobloc prêt à l’emploi et trouvent de belles applications dans tous les cas où les installations se révèlent difficilement accessibles : commande de casques de trémies, relevage de flèches de grues, inclinaison de bras de manutention, levage de passerelles, commande de portes d’écluses, de ponts roulants, d’aiguillage de voies ferrées, etc. « Dans le cas de Tchernobyl, l’emploi de ces auto-vérins® permet de s’affranchir de l’installation d’une trentaine de kilomètres de tuyauteries hydrauliques », précise Joël Blandin.

Les auto-vérins® de Chabas & Besson sont, en effet, dotés de blocs forés tout équipés réalisés par Hydraumatec Ingénierie, spécialiste de ce type de matériels. 64 blocs ont ainsi été fournis courant février dernier par l’entreprise bretonne - 32 blocs jonction moteurs-réservoirs et 32 blocs fonction hydrauliques - qui ont fait l’objet d’essais de validation chez Chabas & Besson. « Nous avons procédé à un travail important en amont avec Chabas & Besson afin de mettre au point ces blocs et surtout prévenir tout dysfonctionnement éventuel dans la mesure où, une fois en place, les équipements sont difficilement accessibles pour des interventions ultérieures », explique Denis O, responsable technique de Hydraumatec Ingénierie.
Vérins hydrauliques et électriques
Etanches, insensibles aux environnements extérieurs et ne nécessitant que peu d’entretien, les auto-vérins® de Chabas & Besson conviennent aux milieux sévères et aux ambiances corrosives. Destinés à la fermeture et au verrouillage des panneaux une fois que le dôme sera positionné au-dessus du sarcophage afin de rendre l’enceinte parfaitement étanche, ils sont dotés de joints spéciaux et d’un revêtement renforcé afin de résister aux températures très basses (jusqu’à – 40°C) qui sévissent en hiver aux abords de la centrale. Ils sont également dotés de fonctions de sécurisation permettant de réagir en temps réel à tous aléas ou dysfonctionnements éventuels. L’objectif étant de fiabiliser la fermeture des panneaux le jour J. Outre les 28 auto-vérins® hydrauliques, Chabas & Besson fournit également 60 vérins électriques, conçus et fabriqués par la société IVEA (partenaire du fabricant vendéen sur ce projet), et destinés au verrouillage des différents panneaux de l’arche de confinement. Cette solution « hybride » a également contribué à emporter la décision des responsables de projet chez Novarka. « Hydraulique ou électrique, chaque technologie permet de répondre à des fonctions bien spécifiques. Nous avons ainsi choisi des vérins électriques pour assurer le verrouillage des panneaux du fait de l’irréversibilité permise par les systèmes douille/vis et motoréducteur », précise Joël Blandin. Au total, la commande est divisée en trois lots dont le dernier livré en août 2015. Auparavant, les systèmes devaient faire l’objet d’essais de qualification « à blanc », avec une simulation de l’intégralité de la fonction au sein des ateliers de Chabas & Besson. D’autres essais, concernant la fermeture et l’ouverture des panneaux, seront réalisés à l’automne sur le site de la centrale, avant la translation du dôme. Le projet de Tchernobyl constitue assurément une belle carte de visite pour Chabas & Besson, en tant qu’entreprise spécialisée dans la conception, la fabrication sur-mesure et la réparation de vérins hydrauliques : un succès qui découle fort logiquement des nouvelles orientations mises en œuvre par la société vendéenne au cours de ces dernières années (cf. Fluides & Transmissions N° 169)…
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