Le moteur rotatif, une alternative au moteur électrique
Et si le moteur électrique n’était pas la seule alternative dans le futur ? Trois amis ont repensé l’existant dans la perspective de l’améliorer. Cette démarche a abouti au dépôt d’un brevet pour un moteur rotatif inspiré de la technologie Wankel, mais sans les points faibles de cette dernière.
Alain Pisteur, Sidney Habegger et Fabrice Buttin ont déposé leur brevet en août 2020. Ce dernier reprend le principe du fameux moteur rotatif dit « Wankel » (voir photo n°1), utilisé notamment par les constructeurs automobiles Citroën (avec sa « GS Birotor » sortie en 1973), NSU (avec sa « Spider » sortie en 1964, sur laquelle a travaillé Felix Wankel lui-même) et Mazda (avec sa « Cosmo Sport » sortie en 1967), et qui a permis à cette dernière de gagner les 24 Heures du Mans dans les années 90.
Abandonné à la fin de la commercialisation de la RX8 en 2012, le moteur rotatif pourrait bien refaire surface prochainement avec un tout nouveau modèle hybride de la célèbre marque japonaise, et pour lequel le moteur rotatif ne servirait pas seulement à prolonger l’autonomie du véhicule comme cela devrait être le cas pour la MX-30 dans le futur, mais bel et bien à entraîner les roues arrières. Mazda envisage même d’équiper d’autres versions de la MX-30 avec un moteur rotatif fonctionnant à l’hydrogène. Le moteur rotatif pourrait donc avoir de beaux jours devant lui.
Bien que l’invention se rapporte au moteur Wankel, l’idée initiale de nos trois compères était toute autre : palier le problème d’étanchéité du moteur Stirling pour en faire un moteur solaire. De fil en aiguille, l’idée d’un moteur rotatif leur est venue, avec comme but d’obtenir un moteur similaire au moteur Wankel mais sans ses points faibles.
Les principaux avantages de ce moteur sont donc une excellente étanchéité, très peu de frottements (donc peu d’échauffement, une lubrification limitée et une usure moindre), très peu de vibrations (donc un équilibrage facilité), une excellente inertie et une facilité d’usinage (Cf. Schéma 1). La combinaison de ces caractéristiques confère à ce système une bonne efficience énergétique, dépassant celle de tout autre dispositif à pistons linéaires ou rotatifs. Un des autres gros avantages est la possibilité de développer une puissance importante même à petite échelle, grâce à la duplication aisée des pistons dans un volume réduit, sur un ou plusieurs étages.
La forme 100 % circulaire des pistons (et non triangulaire incurvée comme chez Wankel) et des chambres de compression en facilite l’usinage comme mentionné mais permet également d’envisager la miniaturisation du système, tout en s’affranchissant d’un vilebrequin, utilisé dans les moteurs à pistons linéaires/alternatifs traditionnels pour translater le mouvement linéaire en mouvement circulaire. Contrairement à d’autres dispositifs à pistons rotatifs, ce système n’utilise pas d’ailettes glissantes pour l'étanchéité qui rendent les performances à haute température et à haute vitesse médiocres. Les faibles vibrations permettent des régimes de rotation plus élevés, ce qui peut être très intéressant dans certaines applications.
Rupture technologique ?
Et si ce moteur était ce que les anglo-saxons appellent un « game changer », une rupture technologique, à une époque où l’on recherche non seulement la performance mais aussi l’éco-efficacité en réduisant l’empreinte environnementale ? C’est en tout cas ce que pensent Sidney, Alain et Fabrice, qui souhaitent toucher le maximum de secteurs avec leur invention. Du point de vue technique, les arbres d'entraînement tournent à la même vitesse, les mouvements circulaires des pistons rotatifs sont coplanaires, synchrones et de même amplitude, de sorte qu'ils ne se déplacent pas l'un relativement à l'autre tandis que chacun tourne autour de son centre de rotation (l'invention inclut aussi d'autres solutions d'entraînement). Les pistons rotatifs sont logés dans un carter avec un volume interne délimité par une paroi. La forme de la paroi est déterminée de sorte que, lors de leurs mouvements circulaires, au moins une partie des pistons est internement tangente à la paroi donnant lieu à des chambres de volume variable. Puisque les pistons ont une forme circulaire et que leur mouvement est aussi circulaire, la condition de tangence requiert que la paroi interne soit taillée selon des arcs de cercles concentriques aux centres de rotation des pistons. Ceci est un avantage de l'invention par rapport à d'autres systèmes de la technique qui nécessitent des formes complexes, comme des développantes de cycloïdes.
Moins de frottements
Autre avantage de l'invention : le contact entre les pistions et la paroi interne est roulant, de sorte que les pistons peuvent être couplés par des paliers ou des roulements, ce qui minimise les frottements. Indépendamment du nombre de pistons, le dispositif de l'invention peut être réalisé soit avec un élément central roulant, de section circulaire, soit avec un élément central frottant, soit avec des arcs concaves épousant le rayon des pistons. En y regardant de plus près, on se rend vite compte que le fonctionnement du moteur rotatif semble s’apparenter à celui d’une pompe. Les origines de la pompe sont antérieures à la découverte des blocs à combustion qui facilitèrent la mobilité, lorsqu’un ingénieur militaire italien a imaginé diverses machines hydrauliques, notamment une pompe rotative à palettes dont le principe est toujours exploité aujourd’hui.
Le rotor central inspirera par la suite bon nombre de techniciens qui voudront lui donner le rôle d’un piston. Ainsi, le champ d’application du dispositif imaginé ici ne se réduit pas aux moteurs thermiques, le procédé de l’invention peut en effet être utilisé dans de nombreux autres domaines : moteurs hydrauliques (actionneurs, moteurs d’engins de chantier), grâce au mouvement rotatif généré à partir d’un fluide pressurisé ; pompes (pompes hydrauliques, pompes à vide, compresseurs/turbocompresseurs), via le déplacement ou pressurisation d’un fluide ; machines thermiques (pompes à chaleur, systèmes de climatisation, appareils de réfrigération), par la transformation de l'énergie thermique liée à la différence en température entre un réservoir froid et un réservoir chaud en énergie mécanique (selon le cycle thermodynamique de Stirling) ou vice versa.
Ces machines ont d'ordinaire un étage froid et un étage chaud avec des chambres à volume variable, et un fluide qui passe d'un étage à l'autre selon des modalités définies par le cycle thermodynamique choisi en se refroidissant et fournissant un travail mécanique net positif, mais il est possible d’imaginer des machines thermiques à un seul étage. Enfin accumulateurs énergétiques (ex: compresseurs/turbines) : accumulation puis restitution d’énergie.
Premier prototype à deux pistons
Comme tout inventeur, les trois amis savent qu’une once de pratique vaut bien mieux que des tonnes de discours. Après avoir passé un bon nombre d’heures sur le brevet lui-même (qui a également représenté un investissement financier non négligeable), ils ont très vite cherché à concevoir un prototype permettant de matérialiser leur découverte. Ce nouveau défi n’a pas découragé l’équipe qui a su le relever avec succès en donnant vie à un modèle à deux pistons (voir photo ci-contre). Le système bénéficie en l’état d’avantages indéniables pouvant révolutionner un grand nombre de secteurs de l’industrie. Mais selon ses concepteurs, la combinaison de ce moteur avec un carburant synthétique représente un énorme potentiel car elle offrirait alors le meilleur des deux mondes : un moteur facile à fabriquer, robuste, efficient, puissant, économique et un carburant écologique, sans les problématiques rencontrées avec les moteurs électriques (recyclage des batteries, entre autres). Ce brevet suscite l’intérêt des industriels, le champ d’applications étant extrêmement large. Pour autant, l’invention n’a pas encore trouvé preneur, les entreprises auxquelles elle a été présentée étant déjà accaparées par d’autres projets. Avis aux intéressés...
Alain Pisteur, Sidney Habegger et Fabrice Butti