Les solutions 4.0 améliorent la productivité
L’Internet industriel des objets et son cortège de données récupérées via une multitude de capteurs est une réalité partagée par quasiment tous les métiers à la recherche de flexibilité et d’optimisation de ses ressources, qu’elles soient matérielles, humaines ou énergétiques. L’intelligence artificielle et le machine learning, qui permettent aux machines, cobots ou robots, d’apprendre des mouvements arrivent. Tout le monde en parle, mais les freins restent réels, notamment pour la sécurisation des données.
La smart factory, également appelée usine intelligente ou usine 4.0, s’appuie sur une nouvelle approche des données de production rendue possible par la croissance du numérique. Considérée comme la 4ème révolution industrielle après la mécanisation, la production de masse et l’automatisation, elle se construit grâce aux informations de fonctionnement et aux autres données générées au plus près de chaque composant. Les bases ont été posées dans les années 2000 avec des capteurs de moins en moins chers, des logiciels et automates, puis l’IoT est arrivé, avec des capteurs équipés de leur propre adresse IP. Elle leur permet de se connecter avec les autres appareils compatibles pour collecter, analyser et échanger des gros volumes de données avec, à la clé, une optimisation des performances et de la maintenance en réduisant notamment les temps d’arrêts injustifiés et les casses, des économies d’énergie assorties d’une amélioration de la sécurité des process. Mais l’usine du futur doit aussi s’appuyer sur plusieurs éléments d’organisation : logistique de toute la chaîne d’approvisionnement, maintenance orientée vers la prévention voire la prédiction, services support clients et protection des données. Elle doit aussi savoir capitaliser sur ses efforts en matière d’empreinte carbone : « les technologies numériques telles que l'Internet industriel des objets (IIoT), la recherche opérationnelle (RO) y compris l'intelligence artificielle (IA), la réalité augmentée (RA) pour les jumeaux numériques permettent de réduire l'empreinte carbone des industries en optimisant la consommation d'énergie, en réduisant les émissions de gaz à effet de serre et en améliorant l'efficacité des processus de production » estime Jean Garnier, responsable de compte IIoT chez Wika Instruments.
Les débuts
Dès le début des années 2010, l'usine connectée faisait l’objet de rapports et de plans de développement, à l’image de celui lancé par le gouvernement français en 2013 avec ses 34 clés de la reconquête industrielle. Dix ans plus tard, les innovations se déploient effectivement et diffusent dans tous les domaines, dont celui de la transmission de puissance. Cela comprend les composants hydrauliques tels que les pompes, les moteurs et les vannes, piliers de l'industrie. Basés sur une technologie vieille de plusieurs décennies, les matériels sont modernisés grâce aux nouveaux composants électroniques et aux capteurs communicants. « Ces appareils permettent aux industriels d’être mieux informés et préparés en cas de défaillance. Les entreprises fonctionnent plus efficacement » résume Peter Lauer, directeur de la division Electronics & Connectivity chez Danfoss Power Solutions. Il prend l’exemple de ses valves directionnelles AxisPro, auxquelles la société a ajouté la connectivité réseau Ethernet, avec le protocole Profinet. Elle poursuivra d’ailleurs avec les protocoles Ethernet/IP et EtherCAT plus tard en 2023. « Notre servo valve AxisPro permet de contrôler de manière autonome la position, la force et la vitesse du mouvement d'un vérin. Ce sont les interfaces de capteurs intégrées et une logique de contrôle similaire à celle des contrôleurs PID qui rendent cela possible. Cette commande complexe peut communiquer directement vers un réseau industriel PLC en utilisant le protocole Profinet et faire partie du contrôle de l'architecture d'une machine ou d’une usine entière » illustre le spécialiste. La surveillance à distance des actifs en temps réel peut réduire le temps de diagnostic de 70 %, selon Parker Hannifin. Ce dernier propose aussi une solution de maintenance prédictive pour les équipements mobiles et industriels.
Récupérer l’information
L’usine 4.0 commence dès le point de mesure car rien ne sert de traiter des données non fiables ou non exploitables. L’innovation est continue même pour les situations les plus complexes. SKF vient par exemple de lancer son capteur sans fil connecté IMx-1 qui collecte automatiquement les données des équipements tournants. « Cette année, nous nous apprêtons à renouveler un produit phare doté de toutes nouvelles fonctionnalités d’acquisition de données. Nos services d’accompagnement mécaniques évoluent aussi. Nous sommes dotés de paires de lunettes connectées qui permettent, via la réalité augmentée, de conseiller les clients sur les bonnes pratiques de montage, ou de réaliser du support technique à distance quasiment " au pied levé " » ajoute Nicolas Evrard, ingénieur produits.
Jean Garnier, spécialisé dans les instruments de mesure de pression, de température et de débit, confirme que la collecte et l'analyse de données en temps réel facilite par exemple les décisions de maintenance. « L'utilisation de technologies émergentes telles que l'Internet des objets (IoT) et l'intelligence artificielle (IA) est disponible pour améliorer la précision et l'efficacité de nos produits de mesure » pointe-t-il. « Les composants de transmission mécaniques sont largement, depuis plusieurs années, passés à l’ère 4.0 grâce aux composants électroniques » ajoute Franck Dreux, directeur général de Siam Ringspann. Ils permettent d’accroître les performances des produits en les rendant plus précis, plus fiables et plus communiquant. « C'est le cas de nos systèmes de freinage : nous surveillons la position (ouvert/fermé), l'usure des garnitures de friction ou la température. L'évolution des composants électroniques nous a permis de concevoir de nouveaux actionneurs pour nos freins à disques, 100 % électriques, tout en conservant un poids et un encombrement similaire aux versions pneumatiques ou hydrauliques » détaille le dirigeant.
Le jumeau numérique en poupe
Le jumeau numérique est une des tendances dans les technologies d'automatisation et de transmission de puissance en 2023. Ce modèle virtuel d’un objet physique couvre le cycle de vie de l’objet et utilise les données envoyées par les capteurs sur l’objet pour simuler son comportement et surveiller les opérations. Les jumeaux numériques peuvent aussi être utilisés pour analyser différents scénarios, facilitent le travail et la maintenance à distance. Cependant, la mise en place et la validation d'un tel modèle nécessitent une grande quantité de données de processus de différents composants. Normalement, ces données sont collectées par des capteurs, puis introduites dans le modèle.
Autre exemple : la pince à desserrage électromagnétique MV a été présentée en avant-première au salon Global Industrie 2023 à Lyon puis à la Foire de Hanovre en Allemagne. Sa nouvelle technologie de serrage, breveté, s’appuie sur un nouveau vérin électromagnétique. « Cela permet d'obtenir des performances exceptionnelles en termes de rapidité de fermeture/ouverture et de couple de freinage dans un encombrement réduit » décrit Franck Dreux.
L’innovation accélère
Les fabricants destinent de plus en plus leurs composants à la communication, dès leur conception. C’est le cas de Nidec Leroy-Somer avec sa gamme de systèmes d’entraînement : moteurs, motoréducteurs et variateurs. Ils jouent un rôle clé dans la collecte d’informations. Les ensembles motovariateurs assurent ainsi l’efficacité de l’utilisation d’énergie en mesurant et en optimisant la consommation. Les variateurs sont fréquemment connectés à des capteurs externes qui contrôlent les paramètres critiques du procédé comme le débit, la température et la position. Des codeurs numériques fournissent des données pour la configuration automatique du variateur, mesurer la vitesse, la position et la température du moteur. La solution Driveradar de SEW Usocome fonctionne quant à elle sur la base de l’instrumentation d’un composant ou d’une machine complète. « Au travers d’une liaison selon un protocole OPC-UA, les données sont transmises et analysées. Le client peut recevoir des alertes mais aussi des conseils concernant l’exploitation des équipements et des planifications de maintenance » complète Jean-Jacques Lalande, directeur marketing et business développement. Chez KEB, les solutions vont du moteur au stockage sur le cloud en passant par les variateurs, les automates et les interfaces homme-machine (IHM). « À tous les niveaux, des informations de fonctionnement sont générées et collectables : au niveau du variateur, de l’automate ou de nos solutions d’IHM, nos gammes de produits sont multi-protocolaires. Ceci permet de s’interfacer avec notre matériel comme avec du matériel tiers. Cela confère des moyens supplémentaires d’agréger les données et de les mettre à disposition localement ou dans le cloud » détaille Romain Favier, directeur technique. Développée par son service, Helio HMI permet par ailleurs de créer des IHM intuitives, indépendantes des plates-formes, des logiciels et des appareils utilisés. Ces interfaces fonctionnent avec un navigateur sous Windows, Linux ou Mac. Le remplacement du matériel, écrans, ordinateurs ou composants de la machine, n'a alors aucune influence sur sa convivialité et ses performances.
En local ou à l’autre bout du monde
De manière générale, l’analyse des données à des fins de prise de décision peut être assurée à différents niveaux. Pour gagner en rapidité, le traitement informatique s’effectue à l’emplacement physique ou à proximité de la source de données grâce à un serveur local (edge computing). La prise de décision au niveau local est rendue possible grâce au contrôle embarqué utilisant les techniques de programmation standard du secteur industriel. Les données peuvent être également utilisées jusqu’au fournisseur pour aider l’utilisateur dans la gestion de sa maintenance. « Avec le Remote Diagnostic Center de SKF France, nous pouvons suivre à distance l’état de santé d’équipements industriels dans le milieu de la papeterie, de l’énergie, de l’agroalimentaire ou du secteur pharmaceutique » illustre Nicolas Evrard, ingénieur produit chez SKF, qui développe des solutions pour le suivi de l’état de santé des équipements tournants. « Ces technologies ne sont plus réservées aux grands industriels. Elles peuvent être déployées rapidement, en particulier chez les clients dont les casses/arrêts peuvent coûter très cher » estime le spécialiste.
« Les principaux protocoles Ethernet industriels sont pris en charge, ce qui permet d’instaurer une communication facile et ouverte au sein d’une usine mais nos systèmes de variateurs comme nos moteurs peuvent communiquer par internet ou par un réseau privé à des fins de surveillance et de diagnostics à distance » confirme de son côté Nidec Leroy-Somer. En septembre dernier, l’entreprise a par exemple lancé le Commander S, un microvariateur qui intègre en standard la technologie NFC (Near Field Communication). Grâce à l’application Marshal, incluse de série, il est possible d’interagir avec le variateur par un ensemble de fonctions qui facilitent la configuration et l’utilisation : le variateur peut être configuré en une minute seulement et des routines de configuration simples adaptées à différentes applications sont disponibles. « Il suffit d’approcher le mobile du variateur pour se connecter. L’application permet la mise sous ou hors tension, même lorsque le variateur est encore emballé, la copie des paramètres d'un variateur à un autre, le diagnostic en temps réel y compris si le variateur est hors tension et, enfin, des instructions pas à pas pour aider l'utilisateur à résoudre les problèmes et à refaire fonctionner le variateur. Les schémas de câblage et les configurations du variateur en format PDF peuvent être également partagés facilement par e-mail, WhatsApp ou d’autres applications de messagerie » liste la société. Son variateur forte puissance Powerdrive MD Smart est, de son côté, doté d’une connexion Bluetooth sécurisée permettant son paramétrage par simple scan de la plaque du moteur. La division Electronic Motion & Controls de Parker Hannifin utilise également la technologie Bluetooth, notamment pour son module IQAN-G12 lancé en octobre 2022 afin de diagnostiquer les systèmes IQAN, dans les systèmes de commande des véhicules de manutention, les engins de construction et les véhicules spécialisés. Ce module passerelle CAN (protocole de communication) permet un accès à distance plus rapide et plus facile aux machines. Il offre une vitesse de téléchargement plus rapide, une portée de connectivité accrue et une meilleure sécurité en prenant en charge l’appairage entre la passerelle G12 et l’appareil Bluetooth auquel il se connecte.
IO-Link, le standard qui monte
La standardisation contribue au déploiement de toutes ces solutions. IO-Link a été développé conjointement par les principaux fabricants de capteurs, de détecteurs, d’actionneurs et de commandes. Ce système de communication pour la connexion de capteurs et d’actionneurs à un système d’automatisation est normalisé (norme CEI 61131-9 pour le SDCI : single drop digital communication interface for small sensors and actuators). Cette interface indépendante des bus de terrain permet une connexion point par point sans adressage. « Dans le contexte de l’industrie 4.0, l’utilisation de capteurs IO-Link est incontournable face aux enjeux de gains de productivité et de réduction du temps de maintenance » estime Laurent Degianpietro, responsable de la division industrie chez Hydac, qui a adhéré très tôt au consortium IO Link et qui propose aujourd'hui, en plus des capteurs analogiques et de commutation classiques, une gamme IO Link complète. La société propose des capteurs de pression, de température, de niveau, de position, de vieillissement de l'huile et de la pollution. Ces variantes existent avec ou sans affichage. Avec l'EDS 824, Hydac propose notamment un pressostat IO Link très compact, paramétrable numériquement et qui indique en complément l'état de la position de commutation par différentes LED. Celui-ci peut être intégré facilement sur n’importe quelle installation, ce qui permet de réaliser un gain de temps considérable. L’entreprise fournit, pour tous les appareils IO LINK, un fichier IODD, que le fabricant de machines peut télécharger facilement via internet. « Nous pensons que l’IO-Link, qui a une croissance exponentielle, va être implanté dans plus de 80 % des process dans un futur relativement proche. En effet, le ratio bénéfices / investissement offre un ROI très avantageux pour les clients » complète Thierry Lecoeur, chef de produit Network and Control chez ifm electronic, qui a basé toute son offre industrie 4.0 sur cette technologie. « Nous considérons qu’elle est nécessaire, pour le début de la remontée des données, afin d’offrir une base solide aux différents process. Cela permet une échange des informations des capteurs et actionneurs et ouvre la voie à des informations enrichies sur ces produits. De plus, l’offre est passée, en 3 ans, de 200 à plus de 400 offreurs de solutions ou produits ». Aujourd’hui, près de 90 % de son offre de capteurs est ainsi basée sur cette technologie ainsi que sur les maîtres IO-Link. Ils proposent deux types de canaux en parallèle : une voie OT-temps réels et une voie IoT spécifique pour la remontée de données de type sécurisée en HTTPS pouvant capitaliser plus d’informations. L’entreprise vient aussi de lancer ses edgecontrollers lors de la Foire de Hanovre, en avril 2023. Multi-protocoles, ces produits vont s’interfacer avec les maîtres IO-Link pour servir d’automates de pilotage, d’interface homme-machine, de supervision, de serveurs edgeprocessing ainsi que de concentrateur de données vers le cloud ou les serveurs OPC-UA.
La maintenance est reine
La maintenance est l’un des principaux bénéficiaires de l’intelligence machine. En sus des économies d’énergie, une des voies tracées par l’industrie 4.0 est de rendre les machines plus « disponibles » en réduisant les arrêts grâce à la détection des erreurs, défauts, usures et donc, la fréquence, le coût et la durée de maintenance.
Selon Bruno Latreille, responsable de l’équipe Application et Solution chez Bosch Rexroth, la détection plus rapide des anomalies peut réduire jusqu’à 40 % les arrêts machine. « Sur toutes nos gammes disposant de connectique multi-ethernet/de connectivité, il est possible d’intégrer nos méthodes CytroConnect. Elles permettent différents niveaux de prévention intelligente des arrêts machines. » L’entreprise associe expertise hydraulique et maîtrise de l’IoT industriel à travers ces outils numériques dédiés à la maintenance. Ils s’organisent en trois niveaux : Monitor (visualisation des données en temps réel), Maintain (système d’analyse prévisionnelle) et Predict (générer des analyses prédictives grâce à des algorithmes d’apprentissage machine).
Quatrium, réseau d’aide aux PME
« Avec Quatrium, le Cetim propose aux PME manufacturières de bénéficier d’un accompagnement pour sécuriser leurs projets d’investissements dans les technologies de l’industrie du futur » explique Daniel Richet, directeur général du centre technique. Quatre plateformes ont été labellisées par l’Etat dans le cadre de l’appel à projets « plateformes d’accélération vers l’industrie du futur », financé par le programme d’investissements d’avenir dès 2021 : en Auvergne-Rhône-Alpes, dans le Grand Est, dans les Hauts-de-France et à Nantes. Le Cetim met à disposition des experts capables de guider les industriels, même de loin, dans la compréhension des technologies et de les orienter vers les meilleurs choix de solution ainsi que des moyens technologiques physiques et digitaux dont des démonstrateurs. L’accompagnement peut aller jusqu’à la formation des équipes ou des essais de faisabilité.
S’y ajoute la possibilité de signer un contrat de maintenance personnalisé en complément de l’analyse prédictive. Ses spécialistes étudient les données et transmettent des recommandations sur les mesures à prendre en cas d’anomalie. Schaeffler insiste sur son dispositif de lubrification intelligent en rappelant combien la gestion manuelle de la lubrification est nécessaire mais répétitive et chronophage. « Notre système Optime C1 rationalise la gestion de la lubrification via des alertes envoyées par une application mobile ou sur une plateforme web » décrit Sabine Pernet (Industrial Sales France). Cette solution digitale s’intègre aux logiciels de maintenance existants avec l’interface API. Les économies sont multiples : réduction des défaillances en premier lieu et libération du temps, mais aussi jusqu’à 30 % d’économies de lubrifiants.
« Dans l’activité " motion ", le 4.0 signifie également maintenance prédictive des motoréducteurs car, sans eux, une machine est à l’arrêt et la production s’arrête », estime Erwan Chevanse, responsable commercial chez Stöber. L’entreprise a donc développé une analyse interne à ses variateurs pour estimer la durée de vie d’un motoréducteur en fonction de son utilisation réelle. « Nous sommes capables de remonter l’information d’un indice de charge qui permet à l’utilisateur de la machine de savoir quand une panne pourrait surgir. Nous pouvons également générer une matrice de charge de l’axe électrique et, ainsi, analyser son couple et sa vitesse tout au long de sa durée de vie pour que le fabricant de la machine sache si le motoréducteur choisi est correctement dimensionné. »
Selon lui, un fabricant de machines industrielles de série peut analyser très facilement la matrice de charge des axes électriques en service chez ses clients afin d’améliorer ses prochaines machines. Autre exemple : la surveillance intelligente des accumulateurs en combinaison avec un pressostat de type EDS 3000 chez Hydac. Les accumulateurs sont préchargés avec une pression de gonflage dépendante de l'application. En cas de perte de pression, la fonction de l'accumulateur se voit réduite et limitée. Le pressostat surveille la pression de gonflage de manière cyclique et, en cas de dérive, il envoie un message d’alerte à la commande de la machine via IO Link, ce qui permet une intervention rapide de l’utilisateur.
La surveillance des freins de sécurité Mayr s'effectue quant à elle à l'aide du module de contrôle de freinage ROBA-brake-checker qui peut être installé en rétrofit. Il est raccordé à l'alimentation électrique du frein. Le module détecte le mouvement du disque d'armature grâce à une analyse approfondie du courant et de la tension, et sait dans quel état se trouve le frein. Outre la surveillance de l'état de commutation et de la température critique de la bobine, ce module effectue une surveillance préventive de l'usure, de la réserve fonctionnelle et des dysfonctionnements. Dans une version avancée, il est équipé d'une carte électronique possédant une interface spécifique définie par le client, par exemple basée sur Ethernet. « Grâce à cette interface, il peut fournir des données sur le temps de commutation, le courant, la tension, la résistance, la performance et le courant d'attraction relatif. L'intégration dans des systèmes de télémaintenance est également possible, jusqu’à la validation d’un jumeau numérique » explique Andreas Merz, chef de produit au siège de Mayr à Mauerstetten, en Allemagne.
Sécurité des données
Qui dit échanges de données, surtout massive, dit sécurité. « Un des leviers de l’industrie 4.0 demeure la cybersécurité des produits et des solutions, confirme Romain Favier. Ses solutions actuelles sont compatibles avec la norme IEC 62443 comme les produits à venir. « Avec la mise à jour de la norme NIS2 en 2024, il faut que les produits s’enrichissent des mécanismes permettant d’assurer la sécurité informatique des installations tout en conservant une intuitivité et une convivialité » complète le directeur technique de KEB. Le service recherche et développement travaille aux jumeaux numériques, avec plusieurs applications en phase de tests et qualification, et aux solutions de Bus DC mutualisé, permettant d’optimiser les rendements énergétiques des infrastructures industrielles.
Pour que les industriels passent le cap de l’industrie 4.0, ils doivent voir un intérêt à intégrer les solutions de technologies de l’information. « Les gains ne sont pas visibles à court terme, mais nécessitent une phase d’apprentissage des machines et des optimisations de rendement que celles-ci vont offrir. Ces opportunités émergent dans un contexte géopolitique favorisant les risques cyber. C’est en prenant en compte ceux-ci et en utilisant des solutions sûres que les constructeurs de machines, qui vont être soumis à la réglementation et aux audits de l’ANSSI*, permettront d’accélérer la mise en place de cette connectivité » insiste Romain Favier.
L'intégration de technologies intelligentes reste en effet souvent encore une opération complexe pour les entreprises. « Nous avons constaté que si les services en ligne sont largement acceptés dans le quotidien privé, la connexion externe de données reste un sujet très sensible dans le milieu professionnel. Souvent, le raccordement IoT d'une machine de production n'est tout simplement pas souhaité. Le client ne souhaite pas pour autant se passer des fonctionnalités intelligentes et de l'intégration à des systèmes de commande existants », explique Benoît Melamed, responsable de projets smart plastics chez igus France.
D’où l’idée de son nouveau capteur de durée de vie i.Sense EC.W, destiné aux systèmes de chaînes porte-câbles pour course glissante. Ce capteur low cost permet une détection de l'usure économique en temps réel et peut être raccordé directement à la commande PLC de la machine sans connexion à Internet. Le kit se compose du capteur, du câble et de l'électronique d'interprétation. Les clients peuvent aussi raccorder le capteur à de nombreux réseaux et systèmes IoT en utilisant le module i.Cee, l'intégrant ainsi à un concept de maintenance prédictive.
Machine learning
L’intelligence artificielle a déjà toute sa place. KEB a développé des solutions de remontée de données fonctionnelles et vibratoires sur des machines-outils CNC. Les données vibratoires ont été intégrées dans un script de machine learning dans le cloud. « En quelques heures, le script a appris et déterminé un modèle vibratoire permettant d’obtenir un score de fonctionnement à atteindre et d’ajuster les vitesses de déplacement des axes X, Y et Z en combinaison de la vitesse de rotation de la broche. Ceci permet à la machine de combiner qualité de production et rendement. À l’avenir, selon les caractéristiques des moteurs qui évoluent avec l’usure, ce script va continuer de maintenir et faire évoluer le score possible et les données de pilotage des moteurs par le biais des variateurs de fréquence » décrit Romain Favier. « Notre solution de maintenance prédictive est évolutive et nous souhaitons récupérer les multiples analyses de nos produits à travers le monde afin de créer une intelligence artificielle à moyen terme qui permettra de prédire de manière sure les pannes futures » prévoit de son côté Erwan Chevanse. Outre ses composants, SEW Usocome propose aussi des outils d’aide à la production pour les industriels. « Compte tenu des difficultés de recrutement en automatisation et robotisation, nous avons mis au point des applicatifs paramétrables, Movikit Robotics, pour simuler et implémenter des mouvements de robots sans connaissance particulière » explique Jean-Luc Lalande. Il s’agit de blocs logiciels préfigurés pour la réalisation d’entraînements simples, comme la régulation de vitesse et le positionnement, ainsi que des fonctions de contrôle de mouvement complexes comme la came électronique ou le pilotage de robots. De nombreux concepts découlent donc de l’industrie 4.0 : l’information et la communication, l’efficacité énergétique, l’interaction homme-machine, la flexibilité de la logistique et du process, et de façon globale, l’entreprise numérique. « Mais l’homme reste la clé d’une transition réussie vers le monde industriel 4.0 » conclut Jean-Luc Lalande.
Yanne BOLOH
*ANSSI : agence nationale de la sécurité des systèmes d’information.