Réduire sa facture en passant à l’intelligence énergétique
Composants, concepts, commandes et connectivité pour améliorer la consommation énergétique grâce aux analyses de données : les solutions pour aller vers davantage de sobriété énergétique prennent de multiples formes.
Le poids des factures énergétiques et les injonctions règlementaires se combinent pour pousser les utilisateurs de systèmes de transmission de puissance vers la sobriété énergétique. Même si la maturité des industriels varie et que nombreuses sont les entreprises encore sans référent énergie, en charge de concevoir, mettre en place et coordonner les actions, le mouvement prend de l’ampleur pour identifier jusqu’au dernier kWh économisable. « Après avoir consacré les premiers budgets d’optimisation énergétique aux fortes puissances du process, les clients considèrent maintenant aussi le conditionnement et la fin de ligne dans leurs approches de réductions des coûts énergétiques. Il est possible, par exemple, de gagner 20 à 40 % sur des moteurs qui tournent inutilement en continu, comme ceux des convoyeurs à bagages ou des lignes de tri en agroalimentaire » confirme Jean-Luc Lalande, directeur marketing et business development de SEW Usocome. Philippe Grandchamp, directeur des ventes « Motion Systems » chez Parker Hannifin, ajoute : « Depuis début 2022, les clients finaux sont clairement demandeurs de solutions moins énergivores et l’indiquent dans leur cahier des charges. Cela peut commencer par l’installation d’une électrovanne qui coûte une centaine d’euros et dont le retour sur investissement est quasi immédiat. À nous de fournir aux intégrateurs des propositions de valeur, en nous appuyant sur notre gamme et notre capacité d’innovation, que ce soit dans les composants et les concepts ou, et de plus en plus, la connectivité car le responsable de production veut disposer de données immédiates. »
Commencer par les moteurs
Les moteurs sont partout. Ils représentent 70 % de la facture énergétique mondiale de l’industrie et 38 % de celle du tertiaire. « 50 % de l’électricité mondiale est utilisée pour alimenter des moteurs électriques et deux fois plus de moteurs électriques seront installés d’ici 2040 pour répondre aux objectifs de croissance et de décarbonation de l’industrie » calcule François Saliou, spécialiste en optimisation énergétique et responsable commercial des filiales de service France chez Nidec Leroy Somer. « Il est essentiel de s’assurer qu’ils sont bien contrôlés, qu’ils disposent d’une alimentation adéquate et qu’ils ne sont utilisés qu’en cas de besoin » complète Edouard van den Corput, responsable offres drive France de Schneider Electric. Les seuls départs moteurs d’une usine peuvent représenter jusqu’à 70 % de la consommation énergétique. Cela pointe l’intérêt de disposer de démarreurs performants pour les moteurs à vitesse fixe et de variateurs de vitesse pour les moteurs à vitesse variable. Tous les univers sont concernés. La compression représente par exemple un tiers de la consommation des systèmes motorisés et, que ce soit pour la production d’air ou de froid, les compresseurs sont exposés à de grandes variations de charge. La ventilation représente près d’un quart de la consommation des systèmes motorisés, amenant l’UE à mettre en place une règlementation favorisant l’efficacité énergétique (directive ErP). « La variation de vitesse est vite rentable sur des gros ventilateurs, que ce soit dans des aciéries ou dans des parkings souterrains » pointe Philippe Grandchamp. L’entreprise a d’ailleurs développé un partenariat avec EDF pour aider ses clients à bénéficier d’aides (primes CEE). Tous les outils de régulations, que ce soit pour la gestion de l’air comprimé ou la variation de vitesse, sont rapidement valorisés.
Passer du kW au kWh
Aujourd’hui, la plupart des moteurs asynchrones sont dotés de variateurs de vitesse afin de mieux gérer leur temps de fonctionnement et leur rampe d’accélération. Le rendement des moteurs asynchrones s’améliore aussi au rythme des lois et des normes. Par exemple, pour un moteur de 3 kW, le rendement a évolué de 82 % avant 2010, pour passer à 86 % selon la norme IE2 et à 88 % aujourd’hui (norme IE3). À noter que la norme IE4 sera obligatoire dès juillet 2023 pour les moteurs de 75 à 200 kW. « Beaucoup d’applications sont aussi réalisées aujourd’hui avec des moteurs brushless, d’un rendement jusqu’à 96 %, qui s’arrêtent et redémarrent autant de fois qu’on le veut. Leur multiplication sur le marché a rendu leur coût plus accessible, même s’ils restent encore bien plus onéreux qu’un moteur asynchrone classique » explique Erwan Chevanse, responsable commercial chez Stöber. La firme allemande a développé un moteur brushless sans codeur (gamme LM), une solution à haut rendement entre l’asynchrone et le servomoteur brushless. « L’économie d’énergie se fait surtout sur les axes qui tournent en continu tels que les convoyeurs ou les scies circulaires. Nous avons fait le calcul sur la machine d’un client sur laquelle étaient installés des moteurs pour une puissance totale de 10 kW. Les moteurs tournaient continuellement 16 h par jour. Avec les moteurs LM haut rendement, le client économisait 7 000 kWh par an » chiffre Erwan Chevanse. « Même plus coûteux, les moteurs brushless ou direct drive à refroidissement liquide ou air, permettent de passer de 65-70 % de rendement à plus de 95 % dans des applications comme les extrudeurs ou les malaxeurs quand il faut aller vite et de manière précise » ajoute Philippe Grandchamp qui estime le gain énergétique possible à 2 500 €/an pour un moteur de 100 kW.
Piloter sa consommation
Eclore est une start-up française basée à Nantes et fondée en 2019 par Pierre-Gauthier Le Boulch, ingénieur Mines de formation. Avec son équipe de quatre personnes, il a développé un soufflet de protection pour les vérins présents dans les machines-outils. Particularité de ce soufflet : son pliage façon origami est inspiré notamment par le ver à tabac : « Pierre-Gauthier a travaillé pour l’industrie spatiale. Dans ce cadre, il a réfléchi à la fabrication de voiles solaires pour les satellites. La contrainte était alors d’obtenir l’encombrement minimal pour ces voiles pliées » détaille Mathieu Cazard, responsable commercial d’Eclore. La nature propose des solutions optimales, c’est pourquoi la technologie que développe Eclore prend exemple sur elle. Le pli est l’une de ces optimisations. Formé sous la contrainte, il s’adapte aux sollicitations mécaniques. Dans la nature, on retrouve le pli à toutes les échelles : formations géologiques, végétaux, animaux. Ainsi, le ver de tabac est un exemple très représentatif du pli avec une forme corporelle singulière. Le soufflet est en polymère. Sa composition plus précise appartient au secret industriel. Mais le composant a subi les tests avec succès, et totalise 10 millions d’utilisations sous contrainte, avec des pressions de 0 à 6 bars. Le kit proposé comprend le soufflet, un adaptateur et un collier de serrage. Eclore travaille par ailleurs à un nouveau vérin. Pierre-Gauthier Le Boulch entend lever un million d‘euros pour ce projet, et ambitionne de passer à 25 salariés en 2023. À suivre de très près, donc.
Réduire de 30 % les pertes moteurs
De son côté, François Saliou souligne que « la solution synchrone (IE5) permet de réduire de 30 % les pertes des moteurs asynchrones (IE3, IE 4) avec un coût total de possession très bas en additionnant achat, installation, maintenance et fonctionnement énergétique ». En présentant la gamme Dyneo+ à réluctance magnétique IE5+ assistés d’aimants permanents, il poursuit : « la gamme a été développée conjointement avec nos variateurs de vitesse électroniques afin d’optimiser les performances de l’ensemble pour un fonctionnement avec ou sans capteur de position, et assurer une mise en service facile ». Les nouveaux moteurs sont paramétrables grâce aux outils digitaux comme l’application Systemiz qui identifie le moteur par son QR code et donne accès à ses données électriques et mécaniques. « Avec les moteurs synchrones à aimants permanents, il n’est plus nécessaire d’utiliser des pompes différentes selon le débit souhaité, ni de surdimensionner les moteurs asynchrones tournant à faible vitesse. Étant donné qu’ils peuvent se passer de ventilateur, ils restent compacts et faciles à nettoyer, ce qui les destine notamment aux applications hygiéniques. Le rendement élevé de toute la gamme de régulateurs, conformes à la classe d’efficacité énergétique IE5+, permet de réduire la consommation énergétique d’environ 25 %, et donc le coût total de possession » renchérit Maurice Wirkner, responsable application chez Lewa qui vient d’élargir sa gamme.
Moteurs haut rendement
Le groupe Nord, qui commercialise des moteurs à haut rendement sur une large plage de vitesse, vient de lancer plusieurs matériels comme DuoDrive, Nordac On et un moteur IE5+, mais aussi sa Nord Eco Box. Cette armoire de commande, connectée entre le moteur et l’alimentation électrique, se compose d'un appareil de mesure d'énergie avec fonction d'enregistrement de données, d'un transformateur de courant et de connexions de câbles. Sur une période d'environ deux semaines, le boîtier enregistre en temps réel des données sur les charges permanentes, les pics de charge et les conditions irrégulières. « Une fois l'enquête terminée, les résultats sont téléchargés dans un logiciel que nous avons développé et qui évalue automatiquement les données » spécifie Frédéric Benicy, responsable support à la vente & marketing. Les mesures dans le temps permettent de créer un cycle de charge du système. Cela permet de savoir si le dimensionnement d'un système correspond aux exigences de l'application. « Nous voyons souvent des systèmes d'entraînement surdimensionnés pour l'application correspondante » constate Frédéric Benicy.
En route vers l’intelligence énergétique
Une fois installés, les composants peuvent être optimisés. « Actuellement, les variateurs de vitesse d’une usine sont souvent autonomes. Il est toutefois possible de mutualiser l’énergie en reliant les bus continus de chaque variateur entre eux pour consommer moins sur le réseau. Cette solution avec une connexion DC existait déjà, mais elle connaît désormais un véritable engouement, le partage de l’énergie pouvant économiser de 10 à 15 % de la consommation » indique Pascal Schivo, chef de produit vitesse variable chez KEB, fabricant allemand de produits électroniques et électromagnétiques. Il estime que « les économies d’électricité possibles sont encore énormes, avec des nouveautés comme les variateurs sensorless aux algorithmes plus puissants. Nous sommes boostés par les progrès de l’informatique et la baisse des prix des processeurs. Prenez les nouveaux transistors. Ils ne font gagner que quelques watts chacun, mais multipliés par tous les axes d’une usine, l’économie peut être très importante. »
Cette multiplication s’applique aussi aux freins électromagnétiques à aimants permanents. Quant aux harmoniques, ces mal-aimées de l’électrotechnique, elles sont également chassées car elles augmentent l’échauffement et, donc, la consommation d’énergie. « Dans le futur, nous devrions voir se développer la réinjection d’énergie sur le réseau quand une machine est excédentaire. Cette réinjection a un coût, il faut donc attendre que le kWh augmente encore, ce qui est probable » prévoit Pascal Schivo. Quant à la mesure des intensités, nécessaire aux algorithmes, elle est facilitée par la baisse des prix des capteurs. « L’efficacité énergétique passe par des composants mécaniques offrant le meilleur rendement, pour diminuer la consommation des moteurs » complète Cyrille Clément, chef de secteur chez Hepco. Il promeut ainsi l’utilisation du galet en V et de came comme composants de guidage linéaire, pour leur qualité de roulement, la faible résistance qu’ils opposent, et pour leur conformité. Ils limitent les hyperstatismes, réduisant ainsi les efforts résistants générés par de micro-défauts de montage. « Nous développons des solutions de guidage linéaire et courbes principalement basées sur des galets combinés à une piste de roulement rectifiée de précision, la résistance au roulement est minime. La longévité est également au rendez-vous, on n’a rien inventé de mieux qu’une roue pour aller loin » sourit le spécialiste qui note un regain d’intérêt pour de telles solutions.
Percevoir le système global
« Chaque composant qui s’intègre dans un système aide déjà à une certaine amélioration, mais il est surtout important de percevoir le système dans sa globalité pour démultiplier son efficacité énergétique » affirme Jean-François Haller, responsable du département électrohydraulique de la division industrie chez Hydac. Sa nouvelle gamme KineSys intègre une solution à fréquence variable pour adapter en continu la pression, le débit ou d’autres caractéristiques du groupe motopompe. Très souvent, une solution de refroidissement externe n’est plus nécessaire comme ce fut le cas pour un de ses clients, constructeur de machines et de systèmes pour la technique de coupe, qui construit des installations de coupage stationnaires avec des pompes à cylindrée constante à puissance réglable. L’utilisation du KyneSys a permis de baisser la consommation d'énergie d'au moins 50 %, en améliorant la construction de l'installation.
« Le client souhaitait optimiser la performance du mouvement des ciseaux et réaliser les fonctions secondaires dans une construction modulaire compacte. Dans ce contexte, il fallait simplifier le pilotage des valves et le transformer sans utiliser la technologie proportionnelle onéreuse » détaille Jean-François Haller. En raison du débit constant, le rendement des pompes n’était pas optimal pour de petits volumes de refoulement. « Les accumulateurs hydrauliques, bien qu’ils ne permettent pas directement de gains énergétiques notables, participent aussi à l’efficacité énergétique globale du système. Ils réduisent les effets pulsatoires ou des pics de pression. Bien dimensionnés et utilisés en bonne intelligence, ils peuvent réduire la taille du groupe motopompe en servant de tampon de stockage lors d’appel de gros volume d’huile, là ou une pompe de grosse puissance consommerait beaucoup d’énergie en veille inutilement » poursuit le responsable.
Redevenir frugal
Siam Ringspann fabrique des roues libres industrielles utilisées pour le relayage de puissance et la sécurité des transmissions mécaniques. « Ce composant permet d'accoupler ou de désaccoupler automatiquement une motorisation sans aucun asservissement donc sans consommation d'énergie » explique Franck Dreux, directeur général. Il estime que le développement des technologies électroniques avait tendance à remplacer des solutions mécaniques par des asservissements purement électriques car leur consommation énergétique supplémentaire n’était pas un sujet.
Certificats d’économies d’énergie : les primes augmentent
Depuis le 1er janvier 2022 et jusqu’au 31 décembre 2025, le dispositif des certificats d’économies d’énergie (CEE) déroule sa 5ème période avec une augmentation des montants. Créé en 2005 par la loi POPE, il constitue l’un des principaux instruments de la politique de maîtrise énergétique et apporte des aides substantielles pour financer la modernisation des équipements. Des contrôles sont effectués par le Pôle National des certificats d’économies d’énergie (PNCEE) afin de vérifier l’éligibilité des opérations donnant lieu à la délivrance de CEE. En cas de manquement, des sanctions peuvent être prononcées. L’Atee (association technique énergie environnement) qui a été créée en 1978 pour promouvoir la maîtrise de l’énergie en se fondant sur des bases techniques, incite à la rédaction de nouvelles fiches détaillant les composants et process éligibles par des structures opérationnelles comme le Gimelec (groupement des entreprises de la filière électro-numérique française). Celui-ci mobilise ses adhérents pour la rédaction des fiches d’opportunité et des calculs, proposées à l’Ademe avant qu’elles ne soient transmises à la DGEC, seule à même de produire des fiches validées.
« Aujourd'hui, elle est devenue prioritaire dès la conception d'une machine et les solutions mécaniques frugales sont de nouveau plébiscitées » souligne le dirigeant. Les antidévireurs de sa série FXM possèdent par exemple une cage à soulèvement centrifuge qui supprime les frottements à haute vitesse et, ainsi, n'engendrent aucune consommation énergétique supplémentaire dans la ligne de transmission de puissance. Les survireurs sous carter sont utilisés dans les entraînements multi-moteurs des machines tournantes comme les ventilateurs centrifuges, les pompes ou les générateurs, qui possèdent un double entraînement par moteur électrique et par turbine à vapeur. La turbine utilise la vapeur déjà présente dans le process de production et permet l'arrêt de la motorisation électrique dès que sa pression est suffisante. « Ils sont montés sur les moteurs ou réducteurs de vitesse et interdisent toute rotation inverse de la transmission de puissance. Cela sécurise les bandes transporteuses inclinées, les élévateurs à godets, les pompes verticales, les ventilateurs, sans aucune consommation d'énergie supplémentaire pour cette fonction » précise Franck Dreux. De son côté, Festo a focalisé son développement sur l’économie d’énergie dans la technologie pneumatique, utilisée depuis des décennies pour des tâches d’automatisation simples. « Les composants mis en œuvre coûtent en général peu cher comparés à des systèmes électriques. Mais cette technologie a la réputation de consommer plus d’énergie et de générer plus de pertes, avec l’usure de la machine » expose Frédéric Moulin, chef de produits. Festo propose donc à ses clients de commencer par un audit sur place pour identifier les éléments fuyards à remplacer (raccords endommagés, tuyaux percés) et redimensionner au mieux les vérins afin de limiter les surconsommations. L’entreprise propose aussi des appareils dédiés à l’économie d’air comprimé, les MSE6-E2M. « Installés sur l’arrivée d’air de la machine, ils détectent les phases d’arrêt de la machine et coupent leur arrivée d’air pour stopper la consommation sur ces phases de stand-by. Ils détectent aussi les fuites, remontent les données de consommation, de pression et de débit à l’automate et au système de supervision, via la communication par réseau Ethernet industriel » décrit Frédéric Moulin.
Sobriété et gestion quotidienne
Les gains sont possibles à tous les étages d’un entraînement de machine. « La qualité de la transmission mécanique est souvent oubliée. Or, le choix du bon point de fonctionnement, l’optimisation d’une trajectoire ou la combinaison des mouvements sont autant de sources d’économie. L’énergie de freinage de certains moteurs peut aussi en alimenter d’autres : c’est le cas dans des transtockeurs par exemple. De grosses inerties y sont en mouvement et l’énergie de la descente du levage peut alimenter le mouvement de la translation. Les phases du cycle sont coordonnées avec notre Movikit effidrive » illustre de son côté Jean-Luc Lalande. SEW Usocome a lancé le PES (Power and Energy Solutions) pour le management global des énergies sur une machine : « Nous parvenons à réduire les pics sur le réseau d’un facteur 6 et à éviter les dégâts des microcoupures grâce à ce qui s’apparente à une tour de contrôle » constate l’expert.
Pour ses pompes à vide, Coval intègre depuis plusieurs années son système ASC (air saving control) qui intervient pour stopper la consommation d’air comprimé dès que le niveau de vide est atteint, évitant toute consommation inutile et favorisant donc les économies de fonctionnement. « Pour mettre en évidence les gains énergétiques potentiels, nous avons développé un logiciel en ligne, l'Energy Saving App. Il identifie facilement les économies d'énergie réalisées par une installation équipée de pompes à vide disposant de la technologie ASC (pompes séries Lemax, Lemax IO, Lemcom et GVMax HD). Après avoir entré les principales caractéristiques de l'installation telles que la durée des cycles de prise, leur nombre, le temps d'utilisation ou le volume à vider, le gain énergétique s'affiche simultanément en euros, en volume d'air et en pourcentage. Il est, dans la plupart des cas, très significatif et peut atteindre 97 % » indique Stéphane Garcia, responsable marketing et communication de la firme. Celle-ci est spécialisée dans la conception et la production des composants et des systèmes de vide.
Elvira Rakova, PDG de Direktin, estime que l'air comprimé représente jusqu'à 20 % de la consommation totale d'énergie dans l'industrie. Cependant, la consommation de ces systèmes peut être réduite jusqu'à 60 %. Direktin a conçu un logiciel pour optimiser cette consommation. « L'un des plus grands défis est la conception correcte et le choix des systèmes et des composants. L'outil Direktin permet désormais de calculer et d'optimiser les principaux paramètres techniques tels que la pression, le débit et le coût de l'énergie pour les principaux consommateurs tels que les buses, les vérins, les vannes, les filtres et les régulateurs. Il comprend la base de données générale des adhérents Artema en collaboration avec des fournisseurs tels que SMC, Aventics, Festo, Camozzi, et Norgren. L'outil permet de créer un schéma pneumatique et suggère les composants optimaux pour réduire les coûts énergétiques et augmenter les performances du système. »
À ce jour, l'outil a été utilisé dans plusieurs projets d'audit pour l'optimisation du système. L'entreprise Sidpec (pétrochimie) a revu la conception et a trouvé un potentiel d'économie d'énergie de 23 %. Le fournisseur de couteaux et pistolets pneumatiques Silvent l’utilise pour son service d'ingénierie afin de faciliter son processus de conception et d'améliorer ses ventes. Prochaine étape pour Elvira Rakova : intégrer les technologies du vide et des procédés pour l'industrie alimentaire et chimique.
Changer de concept
Abdel Lamrani, spécialiste du séchage chez Parker qui propose plusieurs gammes de sécheurs par adsorption, chiffre à 20 % les économies d’énergie possibles en passant des classiques sécheurs par sur-pression aux sécheurs WVM, c’est-à-dire par le vide. Cette technologie additionne la régénération par chaleur externe au vide (dépression) qui permet une désorption à 97°C au lieu de 103°C. Elle est éligible aux certificats d’économie d’énergie. Le fait d’être en dépression ne créée pas d’élévation de température, le cycle de refroidissement est plus court et il y a moins d’apport d’humidité. Le pilotage par hygromètre assure des économies d’énergie au fonctionnement. L’entreprise propose aussi ses sécheurs MXLE, qui consomment 3 % d’air au lieu des 15 à 20 % dans les technologies classiques. Ils utilisent la technologie de la régénération sans chaleur par balayage d’air sec avec l’assistance d’une pompe à vide. Dans le domaine des freins linéaires, la recherche d’efficacité énergétique peut sembler relative car cette fonction n’est pas énergivore, mais la volonté de passer au « tout électrique » oblige les industriels à s’adapter. « Nous avons développé le dispositif PowerStroke en modifiant un produit d’abord dédié à une fonction de sécurité, pour transformer sa fonction en transmission de puissance. Il permet, à puissance équivalente, de simplifier le concept de la machine » pointe Alain Masson (Sitema). Une presse assurant une opération de formage (forte poussée sur une faible course) est réduite à sa plus simple expression : une ou plusieurs colonnes de guidage, un plateau fixe et un plateau mobile. « C’est difficile à imaginer au regard de l’historique de ces machines, mais cette révolution permet de passer de 100 kwh à 40 kwh pour une presse de 400 tonnes. Plus besoin de gros vérins et de gros volumes d’énergie, on peut utiliser un simple entraînement électrique pour déplacer rapidement les outillages, et laisser les derniers centimètres de poussée nécessaire au PowerStroke » conclut Alain Masson.
Chez igus, c’est l’augmentation de la taille des porte-conteneurs et donc des grues de transbordement qui a motivé le lancement d’une nouvelle chaîne à roulettes. Les chaînes porte-câbles placées sur le pont qui guident les câbles électriques et de données du chariot doivent faire face à des sollicitations nouvelles : des courses de plus de 130 mètres avec des masses de câbles de 10 kg/m voire de 20 kg/m et des accélérations de plus de 1m/s2. « C’est pour ces exigences extrêmes que nous avons mis au point la nouvelle chaîne porte-câbles pour fortes charges P4HD.56.R » confie Benoît Dos Santos, directeur des ventes e-chain chez igus France. Les roulettes sont installées dans le rayon interne des maillons de la chaîne. Lorsque la chaîne se replie sur elle-même, le brin supérieur roule sur le brin inférieur au lieu de glisser dessus. Le faible frottement permet d'augmenter la charge supplémentaire et l'accélération sans incidence sur les forces de traction et de poussée : les roulettes réduisent la force motrice requise, donc la consommation d’énergie, jusqu'à 57 %. Des entreprises comme SMC proposent quant à elles d’aider les constructeurs de matériels à revoir totalement leur copie : « Les OEM (Original Equipment Manufacturer : fabricants de machines) conçoivent traditionnellement leurs machines et équipements pneumatiques pour une pression de fonctionnement de 7 bars. Cependant, en réduisant cela à 4 bars, les utilisateurs finaux peuvent réduire leurs coûts énergétiques jusqu’à 29 % dans certains cas » chiffre Roy Schel, responsable de l’efficacité énergétique de SMC Pays-Bas qui propose des solutions de vérins.
Mesurer, mesurer et encore mesurer
Maîtriser sa consommation impose de la mesurer, un constat que de nombreuses entreprises ont fait au début de la crise énergétique. L’objectif a d’ailleurs été difficile à atteindre tant la demande auprès des fournisseurs a été forte dans les premiers temps. L’électronique (capteurs, interfaces homme-machine) augmente la capacité de monitorer en temps réel les données de consommation d’énergie, de pression, de température, de débit. Les fournisseurs déploient des gammes spécifiques.
C’est le cas de Phoenix Contact, qui intervient dans la mesure d’énergie dans le tertiaire, l’industrie et la machine. Sa gamme est désormais complète pour des mesures d’énergie précises sur des réseaux où le courant va de moins de 1A jusqu’à
4 000 A.
Pensez à stocker
Les professionnels peuvent s’équiper en solutions de stockage d’énergie ou en onduleurs (autonomie allant jusqu’à 2 heures selon application) afin d’assurer une continuité d’activité au moins sur les activités vitales. « C’est un premier pas vers la transition énergétique décentralisée et une façon efficace de faire face à la volatilité des coûts de l’électricité. C’est également une solution pour se prémunir d’éventuelles coupures » estime Christophe Bourgueil, business développeur des solutions de transitions énergétiques et de stockage chez Eaton France.
« Phoenix Contact propose une large gamme d’outils pour mesurer et suivre les consommations d’énergie avec des centrales de mesure offrant des interfaces de communication modernes telles que Profinet et EtherNet/IP pour un raccordement direct à l’automate ou à un logiciel de bureautique comme Excel via une API REST, des compteurs d’énergie homologués MID pour la refacturation d’électricité ainsi que des convertisseurs de tension lorsque celle-ci est supérieure à 690 V. L’ensemble de ces outils est complété par un logiciel de gestion de l’énergie hébergé dans le Cloud : EMMA » explique-t-on dans l’entreprise.
Optimiser les systèmes
Au-delà des mesures ponctuelles, le coût total de possession est un concept incontournable qui motive les fournisseurs à proposer leur expertise. « L’efficacité énergétique passe par une analyse des points électro intensifs et stratégiques du process et de l’infrastructure concernés. Il est indispensable de commander la chaîne mécatronique de façon optimale : la commande sur la caractéristique optimale de la pompe ou du ventilateur (BEP), la surveillance des dérives mécaniques entraînant des surconsommations et le maintien en condition opérationnelle de la chaîne de production afin d’assurer une maintenance conditionnelle et non plus curative » résume Edouard van den Corput.
Selon lui, la technologie numérique permet de réaliser plus de 20 % d’économies d’énergie, d’accroître la productivité de 30 % et d’économiser jusqu’à 50 % des ressources (eau, gaz). L’entreprise a déployé pour cela sa stratégie EcoStruXure d’analyse des datas et de commande/surveillance des actionneurs comme chez Wilo, société spécialisée dans la conception et la fabrication de pompes et de systèmes de pompage. Elle se structure en trois axes : EcoStruXure Power Monitoring Expert pour l’analyse des données provenant de constituants de commande moteur et/ou de capteurs non intrusifs, EcoStruXure Motor Management pour optimiser les flux et les mouvements des différents process industriels et EcoStruXure Asset Advisor, un service numérique cybersécurité qui analyse en temps réel les données pour anticiper les défaillances. « Les solutions qui lient le flux de l’énergie et les datas sont l’avenir du management de l’énergie frugale, de l’électrification et de la décarbonation de nos usages » argue Edouard van den Corput.
Monter en compétence
Du côté des démarches de maîtrise de l’énergie, les chambres de commerce et d’industrie mettent gratuitement à la disposition des TPE et PME un premier outil d’autodiagnostic en ligne (Flashdiag énergie). Les sites de l’Ademe et celui de l’Atee (Association technique énergie environnement) rassemblent nombre de documents accompagnant toute démarche de maîtrise de l’énergie, de la planification aux audits et à l’analyse des données énergétiques avec plusieurs boites à outils. L’Atee porte notamment le programme Pro-Refei de formation des référents énergie dans l’énergie. Plusieurs ressources sont aussi disponibles gratuitement chez les fournisseurs comme chez Nord Drivesystems sur le concept d'efficacité énergétique, l'influence des paramètres structurels des moteurs triphasés, les mesures à prendre pour renforcer l'efficacité des motoréducteurs et des systèmes d'entraînement. Bosch Rexroth met également à disposition son livre blanc : « Systèmes hydrauliques et électro-hydrauliques : 3 leviers pour faire face au défi climatique et à la hausse des coûts de production ». L’entreprise travaille avec EDF pour proposer un accompagnement de l’identification des principaux gisements d’efficacité énergétique jusqu’à la mise en route. Plus concrètement, Bosch Rexroth a lancé Sytronix, basé sur le principe de l’énergie à la demande. Cet entraînement délivre avec une précision accrue la puissance requise dans un cycle selon la charge et passe en mode veille durant les phases d’inactivité. « Cela permet de très fortes économies d’énergie dans les cycles où la demande en débit du circuit machine varie fortement. Cette livraison de la bonne puissance au bon moment est possible grâce à un variateur de vitesse, qui augmente ou baisse la fréquence de rotation du moteur alimentant un système hydraulique ou chaque composant est adapté à de telles variations de charge » indique Franck Malatier, responsable communication et marketing. Il illustre par plusieurs exemples les avantages de cette solution : « nous avons pu observer des économies d’énergies d’en moyenne - 40 % sur la consommation de presses de compressions, de presses d’extrusion, de machines de déformation, de machine de soudage par ultrasons, de machine de coupe verticale. Également jusqu’à – 30 % sur des applications comme des machines d’injection plastique, ou de caoutchouc, et sur des presses d’emboutissage. Sur quelques cycles particulièrement gourmands, des réductions allant jusqu’à - 80 % de consommation électrique ont été observées. »
Yanne Boloh